L'histoire :
Un groupe de guerriers Tuna suit à distance une charrette qui doit les mener jusqu’à un monastère. Leur chef, Haggarth, envoie Kobrha en éclaireur pour s’assurer que leur chemin est dégagé. Mais Kobrha tombe dans un piège normalement destiné aux sangliers. Les Tuna le retrouvent au fond d’un trou empalé sur des pieux. Un espion les observe à distance et court avertir les hommes du village le plus proche. Les Tuna sont assurément venus pour dérober le crâne aux trois serpents, symbole de l’unité entre leurs peuples. Effectivement, tandis que les hommes se mettent en branle pour les en empêcher, les Tuna trouvent et prennent la relique sacrée, en catimini. C’est sur le chemin de leur fuite qu’ils sont attaqués par un groupe de paysans. Dans la confusion, Haggarth est mortellement blessé. Matu de Mossa, qui conduisait sa charrette, le récupère plus tard à son bord, ainsi qu’un paysan rendu aveugle lors d’une chute dans un ravin. Le vieux les conduisent tous deux chez une vieille guérisseuse, Arnia. Le pronostic de celle-ci est sans appel : l’aveugle ne recouvrira jamais la vue, tandis qu’Haggarth, lui, est mort. Elle évoque pourtant une terrible solution, un sortilège qui permettrait de fusionner ces deux êtres en un seul. Malgré les avertissements, l’aveugle est partant pour tenter l’opération…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cela paraîtra invraisemblable : cette œuvre fondamentale (mais inachevée) de Victor de la Fuente n’est jamais parue en album ! Elle compta pourtant 4 tomes au total, dont les deux premiers seulement furent publiés en français dans le magazine (À suivre), à partir du mois de mai 1978. Décédé en 2010, cet auteur est pourtant considéré comme étant le plus grand dessinateur espagnol réaliste de tous les temps ! Casterman rend donc ici les honneurs à une œuvre d’heroïc-fantasy forcément méconnue, qui s’imposera au lecteur dans un noir et blanc de grande classe. Effectivement, les encrages montrent un style virtuose, qui prouve une exigence et un talent hors normes, et ne souffre d’aucune critique. Du moins visuellement. Car évidemment, côté scénario, l’aventure du guerrier mort-vivant Haggarth ne s’apprécie qu’au travers du prisme historique, voire mémoriel. L’histoire est très linéaire, sans enjeux prédéfinis, sans grande attache non plus pour des protagonistes dont la psychologie est effleurée… mais il faut resituer sa création dans son contexte. Haggarth est une œuvre précurseur de l’heroïc-fantasy, bien avant le Conan cinématographique de Shwarzy. On se demande même dans quelle mesure Jean Van Hamme n’y a pas décelé les clés du succès d’une série comme Thorgal ou le Schninkel (zieutez les pages de 53 à 57 : on y trouve un alter-ego de la gardienne des clés, du monolithe en lévitation, et d’étonnants humanoïdes venus de l’espace…). Ce recueil ravira les amateurs de beaux dessins en noir et blanc et cultivera les fanas d’heroïc-fantasy.