L'histoire :
En septembre 1731, dans une forêt proche de Songy (Marne), trois cavaliers découvrent une scène de crime au bord d’une rivière. Une sauvageonne très sale s’enfuit, après avoir arraché le chapelet au cou de sa victime, une négresse. Plus tard, la sauvage revient sur les lieux. Le corps a été enlevé, du sang macule encore la terre. Elle imite le roucoulement du pigeon et semble perdue. Elle a soif, elle a faim. Elle s’approche d’un troupeau de mouton, dans l’espoir d’en assommer un… elle devra se contenter d’estourbir le chien. Mais les villageois l’ont vue. Dans les jours qui suivent, une femme parviendra à la faire descendre de sa cachette en lui offrant une anguille à dévorer. Les villageois la capturent et l’amènent au vicomte. Celui-ci la fait nettoyer (sous sa crasse, elle est bien blanche !) et décide de l’éduquer, autant excité par ce challenge qu’amusé par les réflexes carnivores de survie de l’adolescente : elle se réfugie régulièrement sur un îlot afin d’y dévorer des grenouilles crues. Quelques semaines passent ainsi, avant que le vicomte ne la confie aux sœurs d’un hospice, afin qu’elle reçoive une éducation chrétienne…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le film de Truffaut a rendu célèbre le cas de L’enfant sauvage trouvé dans l’Aveyron en 1790. Mais avant lui, un autre cas célèbre a défrayé la chronique du XVIIIème siècle. Marie-Angélique Leblanc était vraisemblablement une enfant amérindienne du Wisconsin, rapatriée en Europe par bateau durant une période de peste noire. Au terme de circonstances tragiques, elle dut survivre 10 ans en forêt avec pour seule compagnie une autre sauvageonne noire, avec laquelle elle communiquait en imitant le roucoulement du pigeon… et toutes deux ont subsisté en mangeant de la chair crue. Le cas est authentique, car certifié par les Mémoires écrites et le patrimoine de cette personne, qui bénéficia grâce aux subsides royaux d’une résurrection intellectuelle et culturelle totale. Toutefois, les circonstances de son enfance et de sa vie sauvage sont ici fantasmées par les scénaristes Jean-David Morvan et Aurélie Bévière, à travers cette longue et dense biographie, tout à fait plausible. Bien qu’un peu longuette, la reconstitution historique est sérieuse, documentée, cohérente et aboutie. Elle bénéficie surtout d’un traitement graphique dynamique, via le dessin moderne et vivant de Gaëlle Hersent, pour qui il s’agit de la toute première BD ! Cette auteur(e) montre d’emblée de formidables dispositions graphiques, comme pour se solidariser au registre de la maturité sauvage.