Nous avions eu la chance de croiser Elsa Charretier et Pierrick Colinet à la sortie d'Æternum Vale, leur premier album paru chez Wanga Comics. Alors que le tandem nous avait confié travailler sur un récit du Garde Républicain, il n'aura fallu que quelques mois pour que celui-ci soit disponible. Avec une histoire ingénieuse et un dessin très soigné, les deux auteurs ont encore progressé. Comme ils sont toujours à l’affût d'un nouveau défi, Elsa et Pierrick ont lancé The Infinite Loop, une bande dessinée dont le financement passait une plate forme participative. Les objectifs furent explosés (+250% de la somme initiale demandée). Nous avons profité de ce duo énergique pour revenir sur leur actualité immédiate et à venir.
interview Comics
Elsa Charretier et Pierrick Colinet
Tout d'abord, pouvez-vous rapidement vous représenter. Qui êtes-vous ?
Elsa Charretier : Je m'appelle Elsa Charretier et je dessine des comics. J'ai travaillé jusque là sur Æternum Vale chez Wanga comics, ainsi qu'un épisode du Garde Républicain dont il est aujourd'hui question ! Pierrick et moi sommes également en train de financer en crowfunding notre troisième livre, The Infinite Loop.
Pierrick Colinet : Je suis Pierrick Colinet , scénariste d'Æternum Vale, de The Infinite Loop et (veinard je suis) d'un épisode du Garde Républicain.
Comment êtes-vous arrivés sur Le Garde Républicain ?
Pierrick Colinet : Très simplement, nous venions de terminer Æternum Vale et Thierry, qui nous suivait déjà depuis quelque temps, nous a proposé de produire un épisode. Évidemment nous avons accepté tout de suite ! C'était lors de la Paris Comics Expo 2013, c'était un peu Noël avant l'heure.
Pouvez-vous nous présenter votre récit ?
Elsa Charretier/ Pierrick Colinet : Depuis le début, il a été question de faire un Garde un peu différent des autres, qui l'inscrirait dans un univers différent. Cela nous a permis de pouvoir jouer avec les codes qu'à créé Thierry, mais aussi nous en éloigner pour réaliser un récit plus personnel. D'une certaine manière, les valeurs républicaines inhérentes au personnage sont présentes, mais passent presque au second plan, au profit de la relation très intime entre le héros et son père. Du coup, notre angle d'attaque s'est imposé naturellement et nous avons posé notre "caméra" du coté des vilains. Nous nous sommes immiscé dans leur quotidien, leurs affaires et leurs familles. Nous avons beaucoup apprécié l'esprit de liberté dans la démarche de Thierry. C'est son bébé, et malgré ça, il nous a permis de délivrer un message qui nous était cher. La seule contrainte que nous avions était de relier notre récit à un événement important de l'Histoire. Nous savions déjà que les années 80 seraient notre terrain de jeu et par chance, 1984 fut une année importante en ce qui concerne la science médico-légale et les empreintes ADN. Très pratique quand on souhaite traiter le sujet de la paternité.
Elsa Charretier : C'était pour moi l'occasion de redémarrer sur quelque chose de frais, des personnages nouveaux et un univers différent. J'ai également essayé de tirer des leçons de certaines erreurs que j'avais faite sur Æternum Vale et de les corriger.
Pierrick Colinet : Le plus gros défi sur Le Garde a été de faire une histoire complète en 24 pages. Cela va tellement vite ! Il faut à la fois que l'histoire soit prenante, mais en même temps ne pas étouffer le lecteur, et prendre son temps pour installer des personnages crédibles et attachants. J'espère avoir réussi. Les lecteurs me le diront.
L'apparition du Garde Républicain en caméo dans Aeternum Vale nous a t-elle servie d'essai sur la série ?
Pierrick Colinet : Quand l'idée m'est venu de transformer un des personnages d'Aeternum Vale en Garde Républicain, je ne me doutais pas une seconde que Thierry pourrait me proposer d'écrire pour lui. Donc à ce moment là, il n'était pas question d'essai. En réalité, mon personnage était déjà le Garde, dès le début. Il en avait l'apparence, il avait le discours, il avait le même impact sur le scénario. Au bout d'un moment, je me suis demandé pourquoi inventer un héros alors que Thierry a déjà le sien, avec ses codes et sa mythologie ? Les deux étaient tellement semblables que j'aurais eu l'impression de trahir Thierry si j'en avait juste faire une copie. Je lui ai proposé l'idée, il a accepté et une fois ce détail éclairci, ce personnage a complètement chamboulé la fin de mon récit.
Pierrick et Elsa, avez-vous reçu des consignes très précises, outre des éléments de design ou de caractérisation obligatoire, sur votre récit ou Thierry vous a laissé totalement libre de "maltraiter" sa création ?
Elsa Charretier : Je ne me souviens pas avoir reçu d'instructions très précises à vrai dire. Par rapport à notre histoire, Pierrick souhaitait que le costume soit plus un assemblage d'accessoires que l'on trouve dans la vrai vie plutôt qu'un vrai costume de super-héros au sens classique du terme. Il fallait que ça soit un costume que n'importe qui aurait pu se fabriquer soi-même avec les moyens du bord. Je suis donc partie sur un côté presque équipement de moto cross. Ça lui donne un côté urbain qui colle bien avec les années 80, époque dans laquelle se déroule le récit. Et bien sûr, le casque intégral est une grosse référence à Goldorak. Une fois les idées bien en place dans ma tête, j'ai soumis un croquis a Thierry, et ça a marché pour lui ! Encore une fois, à partir du moment où je conservais les caractéristiques essentielles du garde Républicain (le bleu blanc rouge, le tonfa et la queue de cheval), il m'a laissé carte blanche.
Pierrick Colinet : En ce qui concerne l'histoire, j'ai eu une liberté totale. Une fois l'époque déterminée, j'ai proposé un synopsis à Thierry qu'il a validé. A partir de là, j'ai fait mon travail sans aucunes contraintes. C'est après le lettrage que Thierry intervient de nouveau pour poser un regard neuf sur les textes. Ajuster des dialogues, clarifier des séquences. Il est toujours juste, à l'écoute et de bon conseil.
Pourquoi avoir choisi le contexte des années 80 ?
Pierrick Colinet : Comme je l'ai dit plus haut, ces années me touchent particulièrement. Il y avait une sorte de candeur/naïveté à cette époque là dans les mentalités. Encore plus dans les séries TV de l'époque. (Madame est servie) Un ton tellement en contraste avec la réalité historique de ce monde là qui transpirait dans le cinéma de SF pessimiste et noir (Blade Runner, Terminator).
Elsa, tu es cette fois-ci colorisée par une autre artiste, Magali Paillat, que penses-tu de son travail ? Je trouve que les couleurs de Bryan Wetstein avait eu un peu tendance à étouffer ton trait sur Æternum vale...
Elsa Charretier : Les couleurs de Magali sont plus légères oui, et elle comprend bien la dynamique d'une case. Quand on a commencé à travailler ensemble sur des illustrations, peu avant le Garde, j'avais été séduite par sa maîtrise des textures. Elle a une manière bien à elle de brosser ses couleurs. C'est très élégant et organique. Elle est aussi très consciencieuse dans son travail. Elle donne vraiment son maximum et n'hésite pas à revenir sur une page plusieurs fois jusqu'à ce que ça fonctionne comme elle le souhaite. Travailler en équipe avec quelqu'un comme ça c'est très très appréciable !
Vous venez de vous lancer dans un nouveau défi avec le projet participatif The Infinite Loop. Vous pouvez nous en parler et nous dire ce que c'est ?
Elsa Charretier : Oui, le projet est aujourd'hui à 9236€ (184%), sur les 5000 demandés au départ. Au delà de la chance de pouvoir réaliser ce projet - j'ai encore des papillons dans le ventre quand je pense au soutien incroyable qu'on a reçu - nous allons pouvoir étoffer le projet de plusieurs manières. Déjà, le livre passe de 72 pages initiales à 88 pages. Ensuite, l'argent récolté va nous permettre d'avoir une couverture de Stéphanie Hans, une cover artiste incroyable qui travaille entre autres pour Marvel et Dark Horse, dont Pierrick et moi adorons le travail. Elle nous a envoyé des layout récemment, et je trépigne d'impatience ! Ça va être superbe. Ensuite, et si nous atteignons les 10 000 euros dans les 15 jours qui nous restent, nous pourrons faire traduire le livre et le présenter à des éditeurs américains, ET, Mahmud Asrar pourra nous réaliser une illustration inédite pour les marque-pages. Voilà où nous en sommes pour le moment. Bien sûr, nous avons d'autres surprises en réserve si nous dépassons l'objectif des 10 000 euros !
Elsa Charretier : C'est l'une des choses que j'apprécie beaucoup dans le fait de travailler avec Pierrick. Tout va très vite. On décide de faire un livre, et on le fait directement. Pas de questions de coordination d'agendas ou autres, et ça c'est un énorme luxe qui nous permet d'avancer vite. Le projet Ulule nous permet de financer le tome 1, mais à l'issue des 4 mois de réalisation (je vais réaliser les couleurs sur ce comics), nous avons prévu d'enchaîner tout de suite sur le tome 2 . Donc, nous sommes bien occupés pour les 9 mois à venir je pense. Après ça, nous verrons ce que l'avenir nous réserve. Et sinon oui, en parallèle de mon travail de séquentiel avec Pierrick, je travaille de temps en temps sur des projets avec d'autres scénaristes. Le dernier en date comme tu l'as dit, a été deux pages bonus pour le livre de Fabrice Sapolsky (One Hit Wonder, actuellement publié chez Image Comics). Travailler avec cet éditeur est un rêve que j'avais depuis un bon moment et je suis très reconnaissante à Fabrice de m'avoir donné cette opportunité. En plus j'ai eu carte blanche question style, et cela m'a permis de me lancer dans un style plus cartoon. Chose que je n'aurais probablement pas osé sur un épisode complet. Je dois recevoir mon exemplaire dans les jours qui viennent et j'ai hâte de voir ça imprimés !
Envie de revenir sur un autre récit du Garde ?
Elsa Charretier : Mille fois oui ! J'aimerais pouvoir y revenir, avec un style moins réaliste, plus dans l'esprit de The Infinite Loop. Si nous trouvons le temps, j'adorerais.
Pierrick Colinet : Oh que oui ! Je rêve d'écrire quelque chose de Batmanesque dans la lignée de Batman la série animée.
Merci à tous les deux !