L'histoire :
Angleterre, début du XXème siècle. Gisèle Alain est la très jeune propriétaire d’un immeuble dont elle loue les appartements. Aujourd’hui, la logeuse fixe une enseigne sur la porte de son propre logement et pour cela elle utilise Eric, l’un de ses locataires, comme escabeau. Mme Crépel, sa locataire du 1er étage, arrive à ce moment et lui demande à quoi va servir l’enseigne. Il se trouve que Gisèle a décidé de devenir femme à tout faire. Cela tombe bien, Mme Crépel a perdu son chat. Pour cette première mission, Gisèle oblige Eric à l’aider : à moins qu’il ne rembourse rapidement ses trois mois de loyer en retard, il devra la seconder à partir d’aujourd’hui... Si Gisèle connaît énormément de choses, cette fille de bonne famille n’a par contre aucune expérience de ce qui fait la vraie vie des gens. En rupture avec sa famille, l’adolescente s’est enfuie de chez elle pour s’émanciper, et elle va découvrir le monde qui l’entoure au fur et à mesure des missions qu’on lui donne : après le chat de sa locataire, elle devra tour à tour emmener une petite fille au jardin botanique, trouver un logement pour une strip-teaseuse, nettoyer de fond en comble une vieille bicoque, convaincre un orphelin de quitter son refuge dans les bois... A chaque fois, c’est l’occasion pour Gisèle de faire de nouvelles expériences : prendre le tram, découvrir le strip-tease, comprendre la valeur du travail manuel ou encore le bonheur d’un repas simple mais mérité... Et bien souvent, Gisèle va plus loin que ce qu’on lui demande, toujours prête à réparer une injustice, quitte à faire fi des conventions ou à changer les choses établies. Pour elle qui ne connaît la vie qu’à travers les livres, Eric devient petit à petit un bras droit indispensable...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans la pure lignée de Kaoru Mori (Emma, Bride Stories) tant pour les dessins que pour l’ambiance et le scénario, la série Gisèle Alain est elle aussi une petite pépite. On y retrouve tout ce qui a fait le succès des séries précitées : le charme d’une époque passée (l’histoire prend place dans Angleterre du tout début du XXème siècle), les décors sont très présents, réalistes et soignés, le trait est précis et fourni jusqu’au moindre petit détail, les protagonistes sont tous attachants... L’angle choisi par Sui Kasai est par contre un peu différent : là où les héroïnes d’Emma et de Bride Stories sont des femmes (voire des filles) du peuple qui découvrent un autre monde (l’aristocratie pour Emma, les traditions des autres clans pour les brides), ici Gisèle Alain fait le parcours inverse. Née avec une cuillère en or dans la bouche, elle décide d’aller vivre par ses propres moyens parmi le peuple. Il s’agit là aussi d’une émancipation, mais cette fois celle-ci est volontaire : Gisèle transgresse les conventions, elle a décidé d’aller au-delà de ce que la société avait prévu pour elle. Enfermée dans la cage dorée que lui a procuré sa famille très riche, la jeune fille a étudié de nombreuses choses dans les livres et a beaucoup de connaissances (langues, mathématique, étiquette...). Mais elle a toujours résidé au château familial et elle n’a encore rien vécu, et c’est pour cela qu’elle s’est enfuie et a décidé de devenir tout d’abord logeuse puis femme à tout faire. Bien évidemment, ses nombreux talents et sa façon de voir les choses vont nous ouvrir les portes d’aventures multiples où l’on découvre en même temps que Gisèle le monde qui l’entoure. De bout en bout le récit se montre passionnant, même lorsqu’il ne s’agit que de retrouver un chat. Il n’y a jamais de grands rebondissements, ni d’énormes enjeux, ni même pour le moment de véritables obstacles, mais pourtant la fraîcheur du scénario nous emporte totalement. Et par rapport à Kaoru Mori, le récit est un peu plus cru, il a un peu plus d’action, plus d’érotisme aussi, et le tout est donc moins contemplatif (tout en le restant tout de même pas mal !)... Les dessins sont par contre un cran au-dessus que ceux d’Emma et s’améliorent même déjà entre le premier et le dernier chapitre de ce volet. Après cette introduction au monde de Gisèle, les dernières pages montrent que le passé de la demoiselle la rattrape et cela promet inévitablement plus de tension pour la suite, qu’on a d’ores et déjà hâte de tenir entre nos mains. En résumé : une vraie bouffée d’air frais, superbement illustrée. Une petite pépite qu’on vous dit...
