L'histoire :
Kôjirô est policier et faire régner la paix et l’ordre dans les rues est sa vocation. Il enquête actuellement sur l’affaire du pont de la mariée : une jeune femme dans une robe blanche tachée de sang aurait en effet été aperçue à plusieurs reprises sur un pont. Mais aujourd’hui, des problèmes plus sérieux surviennent : on vient de retrouver des cadavres de femmes mutilées sur la rive. Il doit probablement s’agir d’exactions du clan Hanabuki, une organisation de bandits qui sévit en ville. Un de leurs membres aurait été aperçu dans le quartier marchant, aussi Kôjirô va-t-il commencer son enquête de ce côté-là. Attiré par l’aspect étrange d’un magasin de parapluies dont la façade à moitié écroulée est pleine de fanions, le policier y rentre et rencontre alors Shirô, un jeune homme fluet qui passe son temps à moitié nu et semble à peine capable de s’occuper de lui. D’ailleurs, il y a aussi sa voisine qui est là, et qui profitait du sommeil de ce dernier pour vêtir le jeune homme ! Cette dernière vit également de manière particulière puisqu’elle adopte des bébés en échange de l’argent des parents qui ne veulent pas s’en occuper. Kôjirô ne le sait pas encore mais, aussi surprenant que cela puisse paraître, Shirô est un combattant hors pair. Il a découvert que sa voisine est en réalité une tueuse de bébés, et il se trouve qu’elle a justement des liens avec le clan Hanabuki...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans un monde qui ressemble au Japon de l’époque Edo mâtiné d’un chouillas de modernité (l’électricité par exemple) et d’une goutte de steampunk (mais sans vraiment de steam), on peut dire que l’univers d’Adekan a au moins le mérite de faire dans l’original. C’est le cadre qu’a donc choisi Tsukiji Nao pour nous présenter une histoire faite d’enquêtes sur des crimes qui sortent eux aussi de l’ordinaire, enquêtes menées par deux héros aux antipodes l’un de l’autre. Le premier est Kôjirô, un policier bien bâti, intègre et droit, à la volonté de fer et dont la vocation est de faire régner la paix. Le second, Shirô, est quant à lui fluet et androgyne, il est presque nu la plupart du temps et fabrique des parapluies des plus tarabiscotés et étranges qui s’assortissent souvent de toute une panoplie d’accessoires à porter sur soi en même temps. Celui-ci est mystérieux et semble incapable de s’occuper correctement de lui-même, aussi Kôjirô décide-t-il de le prendre sous son aile, mais ce dernier ne sait pas que Shirô est en réalité un maître d’armes hors normes. L’aspect enquête du récit est intéressant car l’auteur présente des crimes souvent originaux et ignobles (meurtres en série de bébés, mutilations de jeunes femmes...) même s’il est vrai qu’au début on devine les coupables et les rebondissements à l’avance, mais cela s’améliore au fur et à mesure et il nous arrive même ensuite d’être surpris. Par contre, il n’y a pas que l’univers en lui-même qui est particulier, car la mangaka navigue aussi entre plusieurs eaux en ce qui concerne le public visé : à beaucoup de jeunes hommes à moitié nus et plus ou moins en train de se frotter faisant penser à un titre shônen-aï se mêlent un style d’histoire seinen et un traitement esthétique ainsi qu’un un sentimentalisme qu’on rapprochera quant à eux plutôt du jôsei. Bref, là encore le titre est un peu difficile à classer, mais en tout cas il ne laisse pas indifférent. On pourra reprocher d’ailleurs cette façon de dénuder les personnages car entre fan-service surdosé, humour (parfois) des situations en question ou choix esthétique, on ne sait pas bien où veut se placer l’auteur sur ce point ; peut-être les trois aspects sont-ils voulus. Qui plus est, l’extrême finesse presque anorexique de certains d’entre eux ou encore leur silhouette féminine (pour les hommes) peuvent paraître exagérées, voire même amènent parfois (ce qui semble être ?) des petits défauts dans la représentation des corps. Pourtant, la mangaka nous offre des planches de toute beauté, et ce sur bien des points : découpage régulièrement ultra original, trait fin, style personnel, encrage des lignes irrégulier donnant un cachet onirique, décors extrêmement détaillés, et un sens prononcé de la poésie graphique dans des moments pourtant très sombres ou très glauques... Sur la fin, le récit a terminé de nous présenter les principaux protagonistes à travers des enquêtes un peu simples, et l’auteur commence donc un développement qui devrait s’inscrire sur du long terme, ce qui nous offrira probablement un second tome au scénario plus prenant. Un manga qui ne plaira pas à tout le monde c’est sûr, mais ce premier volet vaut en tout cas le coup d’œil histoire de savoir si on adhère ou pas.