L'histoire :
20 mai 1900. Dans sa maison d’Amiens, le célèbre romancier Jules Verne converse avec le non moins célèbre Gustave Eiffel par visiophone interposé. Rendez-vous est pris au sommet de la tour parisienne. En 80 secondes chronométrées, par un système de rails dissimulés derrière sa bibliothèque et aménagés en souterrain jusque sur les galeries du métropolitain, le romancier se retrouve en plein cœur de la capitale, dans son laboratoire secret de l’avenue de Suffren du VIIe arrondissement. Là, une lettre rédigée en alphabet sélénite l’attend. Enfermé dans un sarcophage d’acier, un petit être à l’apparence chétive dénommé Oxyrhine le supplie de le libérer afin de partir ensemble à la conquête du monde ! Le scientifique refuse et, au moyen d’un ingénieux canon cristallisant, enferme la créature malfaisante dans une boule de cristal. Ensuite, il part retrouver Gustave au dernier étage de sa tour où ils cachent la sphère pour l’éternité. Myra et Passepartout partis s’établir quelque part dans Paris, personne ne découvrira jamais leur secret… Malheureusement, en l’an 2164, le rayon spectro-ondulatoire créé par une éclipse libère le spectre assoiffé de vengeance. Celui-ci gagne immédiatement le défunt laboratoire, propriété désormais de la Waldès International Petroleum… Cinq ans plus tard, au pensionnat Henri IV, le jeune Louis, dit « la Lune », intrigué par un daguerréotype représentant trois possibles Sélénites, met au point le Sélénoscope afin d’observer l’astre récemment conquis par le richissime industriel Waldès. Quelle imagination, pense sa copine Zoé : c’est bien un descendant de l’illustre Verne !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cet album mérite plus que le sort réservé à un simple objet de curiosité. Une réserve : après une copieuse entrée en matière, une déception raisonnée pointe à la lecture d’un dénouement hâté. On aurait aimé en savoir plus. Car le sélénite semble à la mode depuis l’expédition des compères renard et loup sur l’astre lunaire (De cape et de crocs). Pourtant, Alban Guillemois nous conte un univers pour le moins innovant, regorgeant d’ingéniosité. Tout d’abord, son crayonné très poussé, extrêmement détaillé et alambiqué, surprend et attire le regard. D’autant que la taille des planches et des vignettes, sur un papier épais et jauni comme les vélins supportant la calligraphie, la somptueuse couverture violacée et les teintes grises argentées (reflets satellitaires), l’ensemble ne passe pas inaperçu. Louis la Lune est un collégien génial aux accents de Géo trouvetou et de Tryphon Tournesol. Les lecteurs passionnés seront ravis de retrouver croqués les schémas de chacune des curiosités évoquées (sélénoscope, paquebot sidéral Oxyrhine 2169…). Car la qualité essentielle de notre auteur est certainement la curiosité. Une curiosité doublée d’une minutie patente. En référence à l’exposé, on peut citer Jules Vernes bien sûr, mais aussi Tim Burton pour le cinéma, et sans doute E.P. Jacobs en bandes dessinées. Est-ce pour rendre crédible une intrigue onirique et fantastique que l’auteur a eu le souci d’une telle scientificité ? Que de questions et mystères encore inexpliqués… La richesse de cet imaginaire rappelle les fameuses expositions universelles du siècle passé (notamment en 1900 à Paris pour laquelle fut érigée la Tour Eiffel) où le monde civilisé saluait le Progrès. Une modernité d’acier anticipée pour l’avenir. Un esprit rationnel équilibré d’un zest de romance, que l’on apprécierait de retrouver dans une suite…