L'histoire :
Louisiane, 1948. Un noir du nom d’Abélard, dit Abe, est en train de recevoir une correction de la part de trois blancs racistes jusqu’au bout des ongles. Du coin de l'œil, il voit son meilleur ami, de la même couleur que ses agresseurs, observer la scène sans réagir. Il sent la vie le quitter peu à peu. Abe se remémore alors les grands moments de son amitié avec Will. Le premier souvenir qui lui revient, c’est un jour de 1929 où ils jouaient tous deux dans le bayou. En un instant d’inattention, Abe tombe dans l’eau et commence à se noyer. Ni une ni deux, Will plonge pour sauver son ami, alors qu’il sait lui-même à peine se débrouiller dans l’eau. Pour le remercier de lui avoir sauvé la vie, Abélard propose alors à son ami de l’aider à écrire, lire ou encore calculer, afin qu’il puisse plus tard reprendre l’affaire familiale. En effet, Abe est un des rares noirs à savoir lire. Il devra cependant aider Will en cachette, car le père de ce dernier est un membre éminent du Ku Klux Klan, une organisation prônant la suprématie blanche, proche des idéaux néonazis. Des années plus tard, Will est devenu le nouveau patron de « Will’s tools ». En secret, c’est Abe qui gère toute l’affaire. Mais pour donner le change auprès des ouvriers et de son père encore fortement présent, Will fait croire que son ami est son larbin. Il le convoque régulièrement dans son bureau pour l’engueuler copieusement…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En démarrant l’album avec un chétif homme noir se faisant démolir le portrait par trois brutes blanches sans cervelle, Louis (au scénario) et Lionel Marty (aux dessins) marquent directement les esprits. Cette introduction en flash-forward passée, ils nous proposent de découvrir en un long récit de 70 pages les occurrences du racisme au cœur de la Louisiane des années 30 et 40, mais pas seulement. Au milieu de la haine, naît en effet une amitié entre deux enfants de couleurs différentes, une amitié qui va perdurer pendant des années, en secret. Bien entendu, il faudra patienter jusqu’à la fin de l’album qui raccroche avec la scène d'ouverture, pour découvrir si cet amour fraternel va survivre ou non. Sans en dévoiler trop, l’histoire inspirée de faits réels est dure et poignante. Il est également affligeant de constater que les mentalités racistes datant des années 40 perdurent encore aujourd’hui. Ce récit est très plaisant à lire, espérons qu'il ouvre les yeux de certains en les poussant à la réflexion. Côté graphismes, Marty offre des dessins semi-réalistes retranscrivant parfaitement des scènes tantôt dures, tantôt tendres de l’intrigue. De même il met très bien en scène les deux personnages principaux à différentes époques, permettant de ne jamais se perdre dans l’enchaînement de séquences à différents moments de la vie des deux amis. Un thème fort pour un scénario qui l’est tout autant…