L'histoire :
Au début, était le monde, et il était bizarre. Il faut dire qu’il était issu d’une étrange fille dotée d’un bec. Elle se prénommait Gamine. C’était la fille d’un dieu Homme-aigle et de la sœur d’un autre dieu, Gamin. Gamine a créé la Terre des Débuts, toute seule. Son père avait d’autres Terres à s’occuper. Gamine avait créé un monde simple où le bonheur était parfait. Sans colère, ni jalousie, ni souffrance. Les humains y mangeaient, dormaient, se reproduisaient, vivaient et mouraient. Un jour, l’Homme-Aigle interpella Gamine : il trouvait scandaleux que les humains tirent un plaisir de l’acte de reproduction. Il décida de prendre le contrôle de ce monde devenu ennuyeux et barbant. Il trouvait anormal que ces humains ne sachent pas d’où ils viennent. Il voulait être vénéré et mettre un peu de piment dans tout ça. Les humains ont besoin d’un peu de conflits, de jalousie, de haine et d’ambition… ou ils ne créeront jamais rien. Un terrain idéal pour les histoires, comme celle de Manfred et de Jérôme, deux hommes d’un âge certain. Manfred lance un défi à Jérôme : séduire sa jeune et douce épouse, d’une incroyable pudeur et d’une fidélité irréprochable, en moins de cent jours…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après L’Encyclopédie des Débuts de la Terre, Isabel Greenberg revient avec une épopée féministe extraordinaire où les contes s’enchevêtrent pour le meilleur. Ces récits à lectures multiples sont étonnants de bout en bout, laissant place à l’imaginaire de chacun. Le monde qu’elle crée, pas si éloigné du nôtre, s’inspire des mythes qui ont façonné l’humanité, à travers les différentes civilisations qui l’ont constitué. Mais loin de les raconter basiquement, elle les malaxe et réinterprète, avec une douce harmonie narrative, des récits d’une originalité folle. Elle dénonce ici l’obscurantisme envers les femmes avec Des problèmes de cœur. Elle revisite le mythe d’Abel et Caïn avec Une harpe tout à fait honnête. A chaque fois, le conte est juste. Si bien que lorsque la lecture de ce beau livre se termine, l’envie de se remettre dedans prend à la gorge. Ce qui frappe aussi, c’est la syntaxe avec des phrases modernes qui se mêlent à des phrases surannées. Ce parti-pris donne un esprit original aux récits racontés. Isabel Greenberg gomme ici les quelques imperfections de son précédent ouvrage. Côté dessin, l’auteur nous gratifie d’une performance de haute volée. Son trait encré dans le style David B. s’ancre dans l’histoire pour lui donner une densité, grâce aussi à la prédominance chromatique du noir et blanc, rehaussé par instant par l’ocre, le rouge, le jaune, le gris-bleu. Isabel Greenberg montre toute l’étendue de son talent. Passer à côté des Cent nuits de Héro serait impardonnable…
