L'histoire :
Un cuisinier perd la finale d'un concours national prestigieux, remporté par celui qu'il a lui même formé. De retour chez lui, il met le feu à son établissement, il va vivre reclus loin du métier auquel il avait donné toute sa passion et toute son énergie. Quinze ans plus tard, un jeune garçon passionné de peinture se réveille dans sa chambre magnifique. Le petit personnel se presse pour l'accompagner vers le petit-déjeuner en présence de son père, qui dirige la plus grande cimenterie d'Europe. Ils se vouvoient et les quelques minutes partagées autour de la table sont l'occasion pour Ulysse de recevoir une nouvelle leçon sur ses notes qui sont insuffisantes pour être le meilleur élève de son lycée, pour obtenir une mention très bien au bac, pour intégrer un prestigieux lycée parisien, et finalement être apte à reprendre un jour l'héritage industriel. Mais un coup dur va frapper cette famille richissime : un procès en collaboration, car Ducerf n'a pas fermé ses usines pendant l'occupation. Lorsque les journaux publient l'information, toute la vie sociale de la famille s'écroule. Charles Ducerf décide de se consacrer seul au procès qui va venir. Il envoie Ulysse et sa mère dans une maison en Bourgogne sous un nom d'emprunt pour les éloigner du tumulte. Ulysse va alors faire une rencontre inattendue. Alors qu'il fait une chute sous la pluie au bord de la rivière toute proche et s'évanouit, il est recueilli par un homme qui était tranquillement en train de pêcher. Lorsqu'il ouvre l'œil, l'inconnu lui tend un morceau de pain avec une tranche de terrine de lapin, et un verre de Mercurey Premier cru. Pour Ulysse, c'est une révélation.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Xavier Dorison se lance dans un récit inhabituel pour lui, puisqu'il se consacre à la découverte d'une passion pour un jeune homme à l'avenir tout tracé par l'héritage transmis par son père et son grand-père. Une légèreté relative pour un one-shot où on parle beaucoup de recettes de cuisine, et qui se rapproche bien plus des feel-good movies que des aventures en tout genre ou des personnages épiques que le scénariste est capable de construire avec brio. Un pas de côté pour lequel il est accompagné d'Antoine Cristau, pas du tout scénariste de son état, mais carrément passionné de cuisine et de gastronomie. L'action se déroule dans les années cinquante, dans de belles maisons et des paysages de nature bourguignonne, ce qui donne l'occasion à Stéphane Servain de déployer tout son art, qui marque l'album sur tous les plans. Les deux pages où Ulysse se réveille dans la maison de Cyrano sont absolument époustouflantes, l'histoire se renverse complètement dans ce moment de découverte sur quelques cases magnifiquement agencées. Le plaisir de lecture est total entre les mains d'un artiste aussi accompli qui, dans les yeux noirs du jeune garçon, parvient à exprimer des émotions d'une grande subtilité. C'est probablement un des plus beaux albums de ce dessinateur classique dont l'empreinte sur les récits qu'il illustre est toujours cruciale. Une jolie balade pour tout public, mais aussi un beau cadeau pour les amateurs de belles bandes-dessinées, un beau pavé de 170 pages qui donne envie de cuisiner et de boire des Bourgognes... désormais hors de prix. C'est le seul hic de l'album.
