L'histoire :
Agenouillée sur le plongeoir de sa belle piscine, la blonde Vertige emplit ses narines de quelques courbes de cocaïne, avant de faire le dernier grand plongeon. Bien plus loin, au creux d’une vallée brésilienne, dans un petit cirque, la brune Adélia, acrobate surdouée, s’apprête à illuminer l’assistance de son incroyable talent. Elle se saisit bientôt d’un trapèze. Virevolte en de magnifiques arabesques sous le chapiteau ébahi. Et puis, un dernier saut périlleux. Un pas de coté. Une ouverture dans la toile du cirque et Adélia s’enfuit. Furieux, le patron du cirque s’empresse à sa suite. Impossible, en effet, de laisser l’unique joyau de sa troupe mettre les bouts : tous se retrouveraient sur la paille en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Mais l’acrobate a tout prévu. Et la voilà qui retrouve sa grand-mère, enfile survêtement et sac à dos en direction de la gare routière, pour mettre le plus de distance possible entre elle et son patron, Reginaldo... De son coté, Vertige est désormais sous oxygène, sirènes hurlantes en direction du centre hospitalier, impresario à ses cotés. Arrêt cardiaque, choc, coma… Pourvu qu’elle s’en sorte : chaque jour de tournage reporté est une grosse perte d’argent…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Récit puzzle construit autour d’une malicieuse boucle, ce nouveau forfait de l’excellente Lisa Mandel se joue du lecteur avec brio, en assénant une conclusion au rebond inattendu. L’exercice prend d’abord les couleurs d’un intriguant mélo dans lequel deux jeunes femmes cherchent à mettre un terme à la fatalité de leur destinée. L’une, Vertige, actrice américaine adulée, gavée de cocaïne, tente au fond d’une piscine d’en finir pour de bon. L’autre, Adélia, trapéziste surdouée évoluant dans un petit cirque brésilien, prend subitement la tangente pour le plus grand malheur du patron de la troupe, qui compte bien ne pas en rester là… Du voyage chaotique de l’une, à la chambre d’hôpital de l’autre, usant de ponts fantastico-onirique pour qu’elles se rejoignent, les vies de nos deux héroïnes se dévoilent goutte à goutte à renfort de judicieux flashbacks. Le tout au son d’une petite musique empruntant les accords d’un suspens « policier » rendant le lecteur on ne peut plus curieux. Au-delà de ce mouvement scénaristique en forme de trompe-l’œil, l’ensemble pose la question de la propriété de ses choix lorsqu’on a du talent et de la complexité des rapports avec ceux « qui nous ont fait ». Tout en y répondant, néanmoins, par un joli petit pied de nez… Bref, c’est assez malin et seuls les moins naïfs ou les moins happés par le récit sauront se saisir des indices disséminés tout du long. On regrette juste que ces quelques 120 pages équilibrées, impeccablement découpées et emballées par un dessin parfaitement expressif mis en valeur par le choix de la colorisation, se lisent aussi rapidement. Une belle surprise, à goûter !