L'histoire :
Au cœur des ténèbres de la forêt de la fertilité, les arbres sont quelque peu effrayants. Ils ressemblent aux habits des grands-mères et au sexe des femmes. Sans oublier une faune étrange qui, elle aussi, est inquiétante. Mais tous peuvent aussi se transformer en oiseau et conduire les hommes vers l’être aimé, grâce au fleuve inséminateur, nourrissant les végétaux et les humains de sa liqueur de vie... Un breuvage d'immortalité pour des couples amoureux en mal d'enfants ? Un symbole d'espoir pour cette mémé voleuse d’enfant ? Dans cet univers organique naviguant aux frontières du rêve et de la réalité, il sera question d'enfantement, de croissance, d'impuissance, le tout rythmé par les cycles saisonniers et les fluides corporels...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Pour sa première BD, Fanny Michaelis est publiée chez l'éditeur indépendant Cornélius, dans la collection Raoul. Très proche de l'univers symbolique et surréaliste développé par Ludovic Debeurme dans Renée, Lucille ou Terra Maxima, l'auteure nous plonge dans un monde tour à tour fantastique et réaliste, inquiétant et troublant, où la forêt constitue un ressort narratif fertile. Génératrice à la fois d'angoisse et de sérénité, d'oppression et de sympathie, la forêt revisitée par Fanny Michaelis constitue bien un sanctuaire organique et fécond, réceptacle des angoisses, des névroses et des désirs inconscients. Ce sera au lecteur libre et actif de déchiffrer la symbolique du message et d'y comprendre ce que bon lui semble. Econome en mot et affranchie de tout gauffrier, la narration souvent lourde de tensions nous berce aux frontières du réel, tandis que le dessin, délicat et sombre, s'abreuve aux sources de l'étrangeté, en distillant à la fois malaise et tranquillité de l'âme. Le lecteur sera alors libre de lire dans la forêt un symbole de la dualité homme-femme ou de l'inconscient. D'ailleurs, selon Jung, les terreurs de la forêt seraient inspirées par la crainte des révélations de l'inconscient, rien que ça... Parfaitement dans l'esprit Cornélius, voilà le type d'esthétique à laquelle le lecteur adhèrera immédiatement, ou pas. Question de sensibilité et d'horizon d'attente avant tout. Au final, une démarche et un propos originaux, pour une BD décalée à l'esprit très freudien...