L'histoire :
Jean-Baptiste Poulain se rend à la convocation surprise d’un notaire parisien, maître Vibert. Face à une demi-douzaine d’héritiers, le notaire entame la lecture du testament d’un dénommé Umberto Leone. Disparates, les membres de l’auditoire sont triplement étonnés. Primo d’être tous héritiers, alors que d’aucun ne le connaissait. Secundo d’apprendre que cet aventurier, qui a fait fortune dans le commerce de peaux de castor, est mort dévoré en Egypte par 3 crocodiles (!). Tertio de se voir chacun attribuer, sans raison apparente, la somme faramineuse de 10 000 lires ! Cette bonne fortune est trop providentielle pour Jean-Baptiste, qui ne résiste pas à une petite visite au domicile du défunt. Il y est reçu par sa vieille et fidèle gouvernante, qui lui apprend sa passion pour la pyramide de Kheops et pour l’« Arcana Arcanorum », le secret des secrets, que le monument renfermerait… Au cours des dernières heures parisiennes de Leone, cet intérêt avait tourné à l’obsession, à la frontière de la démence, au point de vider sa chambre de tous ses meubles avant d’y passer à même le sol une dernière nuit. Il n’en faut pas plus à Jean-Baptiste pour faire le voyage jusqu’au Caire. Il y est accueilli par le libidineux Ruffin, l’homme de main de Delambre, un puissant et prétentieux caravansérail, visiblement intéressé par le mythique trésor de Kheops. Ce dernier voit en Jean-Baptiste une occasion unique de profiter des talents d’un enquêteur hors pair. Il l’accueille donc avec les meilleurs auspices et le fait suivre de près durant son séjour…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Il y a des séries comme ça, dont on attend fébrilement la sortie du nouvel épisode… Puis, quand ce bonheur est enfin comblé, on se jette dessus, on savoure, on s’extasie et on se repait, béats et comblés… Quel délice ! D’ordinaire plongé dans des conjectures relativement sinistres, Jean-Baptiste partage cette fois avec ses lecteurs une aventure égyptienne plus légère. En effet, tout débute plutôt bien pour notre « marquis des âmes en peine », puisqu’il hérite d’un inconnu d’une véritable fortune et qu’il est visiblement sorti de sa dépression. Tout se poursuit pas trop mal non plus, puisqu’en poursuivant la quête de son bienfaiteur, il visite un pays exotique baigné de soleil : puis, au cours de ses pérégrinations, il s’adjoint la compagnie d’une charmante esclave et les deux zigues se trouvent quelques attraits… Avec une maitrise scénaristique rare, le talentueux Fabien Vehlmann instille alors plusieurs niveaux d’aventures et de mystères. Il y a d’une part les raisons de l’héritage et le décès nébuleux de son mystérieux donateur (« 3 » crocodiles ?) et surtout, l’énigme de l’architecture si particulière de la grande Pyramide à élucider ! Figurez-vous qu’à ce sujet, contrairement à bien des scénaristes qui auraient trouvé le moyen de botter en touche, Vehlmann se paye le luxe de nous délivrer une théorie plausible et intéressante ! (spoiler) Ce qui ne l’empêche pas de botter en touche sur d’autres aspects secondaires, là où on ne l’attend pas. Bref, une nouvelle fois, Le marquis d’Anaon s’affranchit habilement des archétypes des récits d’aventures, avec humanisme, intelligence et un zest d’humour finaud en prime ! L’ensemble est une nouvelle fois magnifié au dessin par Mathieu Bonhomme, avec un talent semi réaliste intact, toujours d’une grande justesse dans les choix de cadrages, les expressions, les décors, le découpage… A noter : à l’occasion de la sortie de ce cinquième opus, Bonhomme a redessiné (somptueusement) toutes les couvertures de la série, rééditées. Vous l’aurez compris à cette avalanche de superlatif : s’appuyant sur de grandes qualités artistiques et narratives, Le marquis d’Anaon confirme sa place de série majeure de ces dernières années, s’adressant en outre à un très large public.