L'histoire :
Un petit garçon demande à son père ce que c’est, une turlutte. Sans hésiter une seconde, son père lui dit que c’est la même chose qu’une pipe. Et de lui narrer par le détail en quoi la pratique sexuelle consiste. Entre deux questions intermédiaires, il lui file même une clope et lui propose d’aller boire une binouze à l’extérieur, pour parler entre mecs…
A table, un père de famille s’agace que sa fille envoie texto sur texto sur son portable, au lieu de dîner. Dans un accès de colère, il lui confisque et se met à lire à haute voix les messages d’amour un peu niais qu’elle échangeait avec son petit copain. Et il se fiche de sa poire ouvertement, avec mépris et virulence, persuadé de lui donner une bonne leçon de dignité et de politesse…
Assis dans la nature sur un tronc d’arbre, un papy hèle son petit-fils pour qu’il le rejoigne. Il a besoin de lui parler sérieusement. En ce moment solennel, il veut lui transmettre un objet que son propre grand-père lui avait confié, bien des années auparavant : un couteau opinoul. Blasé, le gamin demande s’il pourra facilement égorger des gens avec ça…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ah il appelle ça La famille, Bastien Vives… Un titre plus adapté au contenu pourrait être « petits désordres familiaux et transmission des valeurs orientées cul ». Une fois encore, à travers une quinzaine d’historiettes, ce chenapan d’auteur prend en effet un malin plaisir à pulvériser le politiquement correct, avec un appétit évident pour les chutes volontairement choquantes. Où l’on assiste à des discussions incroyablement crues sur le sexe entre parents et jeunes enfants (et réciproquement)… Où la transmission de valeurs intergénérationnelle en prend un bon coup dans l’aile… Où l’on parle sans tabou d’homosexualité et d’inceste, de la prédominance des réseaux sociaux… Petite nouveauté par rapport au précédent Jeu vidéo : Vives se met en scène permet d’auto-parodier sa condition d’auteur (et ses performances sexuelles), avec un sens de la dérision jubilatoire. Côté dessin, il fournit en revanche toujours le minimum syndical, se bornant à quelques coups de palettes graphiques, d’apparences floues, pâteuses ou distantes, cependant toujours justes au niveau des attitudes. Ces traits et masses de noir sont alors généralement dupliqués tout du long de l’historiette, avec un ou deux détails qui change… De la sorte, on n’a guère besoin de l’image pour se concentrer sur les dialogues, qui représentent 99% de l’intérêt de l’ouvrage. Selon où se place votre sens de l’humour (et des limites morales), il est possible de pouffer régulièrement de rire ou de passer complètement à côté de la démarche narrative…