L'histoire :
Clara Saule est une jeune photographe. Au cours du vernissage de son expo, elle se retrouve obligée de faire un discours, mais se perd dans de timides explications quant à sa ligne artistique… à l’image de son caractère plutôt introverti. Elle rentre chez elle raccompagnée par son super-pote Guillaume, déçue par elle-même, par son manque d’affirmation, et se met à douter de son travail. Elle appelle aussitôt aa mère, qui a pourri son répondeur de messages. Celle-ci lui apprend que sa petite sœur Axelle (20 ans) vient de se casser la jambe, suite à un accident de scooter. Clara n’a plus vue Axelle depuis des années en raison d’incompatibilité d’humeurs. Axelle est une sorte de cas social qui vit en appartement… En gros, sa mère lui demande d’aller faire la garde-malade. Clara déprime à cette idée – surtout qu’elle a autre chose à faire – mais son humanisme et son sens des responsabilités va la pousser à accepter. Et selon son pote Guillaume, cela l’aidera à réparer son « karma familial ». Clara débarque donc pleine de bonnes volontés dès le surlendemain dans la chambre d’hôpital d’Axelle, qui l’accueille comme une chienne. Qu’est-ce que tu fous là. J’ai besoin de personne. Et surtout pas de toi. Plutôt crever. Clara insiste et finit par raccompagner Axelle jusque chez elle. Dans les jours qui suivent, elle va découvrir le quotidien fracassé de sa sœur, au milieu des squaters et des militants en marge de la société et contre « le système »…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après bien des distinctions dans le milieu de l’animation, Flipette et Vénère est la première bande dessinée de Lucrèce Andreae. L’autrice-réalisatrice fait ici le portrait de deux frangines aux tempéraments opposés et aptonymiques, dans le sens où leurs surnoms correspondent à leurs caractères. Clara, alias Flipette, est artiste-photographe. Elle porte un regard distant et contemplatif sur le monde, qu’elle cherche à traduire par de belles images. Et elle peine à parler de son œuvre, car introvertie. Axelle, alias Vénère, est une cocotte-minute d’énervement contre la société et le système : elle est révoltée par tout, elle participe à tous les combats contre les injustices (vaste programme), elle vit au milieu des squateurs, des drogués, des cassos, avec lesquels elle trouve le moyen de s’engueuler en permanence. La rencontre entre ces deux-là promet logiquement de faire des étincelles, mais il parait que ce sont les deux facettes conflictuelles de Lucrèce Andreae. Néanmoins, dans le propos de ce pavé de 336 planches, le portrait en duo de ces frangines caricaturales par nécessité, est largement surclassé par la question sociologique. Ces deux caractères antinomiques sont en effet un prétexte pour interroger le lecteur sur son rapport à moult questions de société très pertinentes. Est-il nécessaire et utile d’être révolté ? L’art doit-il servir une portée humaniste ? Est-il possible d’être informé et impliqué dans le chaos médiatique actuel ? Un militantisme productif est-il possible ? En grossissant le trait, comment concilier la droite et la gauche, le conservatisme et les radicaux ? Comment agir en tant que citoyen, en évitant les excès et les manipulations ? De nombreuses répliques sont des sujets de dissertations politiques à elles seules. Le dessin globalement réaliste et centré sur les personnages, parfois inégal, se complète d’une colorisation en aplats marqués, souvent décalés. Lucrèce Andreae fait ici un album certes un peu long, mais particulièrement bien senti sur notre époque.