L'histoire :
En l’an 33 de l’ère des Poissons, à Jérusalem, Ponce Pilate décide de crucifier le voleur Barrabas. Sous l’avis de son conseiller, il épargne néanmoins le prophète fou qu’on appelle Jésus de Nazareth. Celui-ci prône la révolte en voyant ses frères torturés par l’armée romaine. Quinze ans plus tard, les Poissons, la secte de Nazareth, a pris le pouvoir et s’est emparée de Jérusalem. Les légions romaines font le siège de la ville pour la reprendre. A Rome, le centurion Gaïus retrouve un vieil ami, Claudius, dans le quartier malfamé de Subure. Claudius demande de l’aide à son ancien compagnon. En effet, il a eu vent que Judas d’Iscariote, le dernier général des Poissons, projette d’assassiner un haut dignitaire romain. Il faut donc empêcher cet attentat qui pourrait précipiter Rome dans le chaos et la peur. Certains disent même que cet acte de violence annoncerait l’avènement de Dieu et l’Apocalypse. Pourtant, il est trop tard : le sénateur Gravita est assassiné par une femme « poisson » qui s’est faite passer pour une servante. La guerre entre Rome et la secte des Poissons est déclarée…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cette saga uchronique, chaque album est indépendant et se concentre sur un siècle différent, lors duquel un événement change l’Histoire telle qu’on la connaît (sur la base de la question : « Et si… ? »). De façon habile, ce dernier tome repositionne le début de notre « an zéro » avec le fameux épisode de la crucifixion de Jésus. Et si Ponce Pilate l’avait gracié et que Jésus devenait par la suite le chef d’une secte dissidente, violemment opposée à la domination romaine ? Jean-Pierre Pécau et Fred Duval ne manquent pas d’ambitions puisque, non content de modifier des événements on ne peut plus connus de l’Histoire, ils s’attaquent également aux fondements de la religion chrétienne. L’uchronie de cet opus met ainsi en scène des métamorphoses assez radicales : le Christ devient un dangereux prophète inquiétant et énigmatique ; ses disciples sont des terroristes ; et même Judas devient un des généraux de Jésus ! Très loin du message évangélique, les Chrétiens deviennent des fanatiques prêts à tout pour renverser l’hégémonie romaine et ils cèdent notamment à des actes violents et criminels. Ce choix étonnant est bien sûr une façon de rappeler l’actualité avec le terrorisme qui menace la puissance américaine. Cependant, le changement est brutal et il ne manquera pas de choquer les plus dévots. On peut rester sceptiques par la transformation de certains personnages, limites crédibles (à l’image d’un Jésus plus que déroutant). Les auteurs font tout de même des clins d’œil habiles en détournant les fameuses phrases « je m’en lave les mains » ou encore « et sur ces pierres je construirai mon église ». Les entorses à la réalité peuvent déstabiliser... mais c'est après tout le principe de la série. Le principal étant que le récit soit bien mené et que la tension ne faiblit pas au fil des pages. Au dessin, Igor Kordey (qui travaille déjà avec Pécau sur L’histoire secrète) offre un travail puissant, même si son trait est parfois grossier. Le graphisme colle à l’univers et à l'aspect poisseux de la nature humaine.