L'histoire :
Dépossédé de ses terres au lendemain de la crise de 1929, le père Cry emmène sa famille – une femme et 7 enfants ! – vers l’ouest, où on lui a promis une terre plus riche et moins chère. Leur camionnette s’est jointe à un convoi de plusieurs paysans sans le sou, espérant tous trouver la prospérité au bout de l’exil. Mais sur leur route, le FBI retrouve presque à chaque fois un cadavre, battu à mort à coup de bâtons. Tout d’abord, ce fut Baker, un paysan détestable qui devait lui aussi faire partie de la caravane. Il y a quelques années, ce salopard avait broyé à coups de masse la main droite de Billy Cry, cadet de la famille et témoin d’un meurtre, pour s’assurer de son silence. Depuis Billy vit dans la haine, cherchant en permanence le mauvais coup. La nuit, sous la tente, il parle à son frère Milton, un colosse simplet. Il tente de le manipuler pour que ce dernier venge par la violence sa propre journée d’humiliation. Lequel des deux à tué Baker, puis « le Canadien », puis « la Richarde » ? Imbibé d’alcool, le père plante la camionnette. Heureusement, le bon pasteur exhorte une autre famille de faire monter tout ce petit monde à l’arrière d’un autre véhicule. Billy s’intéresse alors de près à la fille du pasteur, qui dandine aimablement du popotin…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Suite et fin de ce diptyque sans concession, à la croisée du thriller, du road-movie et de la chronique sociale. Au terme de cette histoire, la résolution de l’affaire demeure toujours ambigüe pour le lecteur. Lequel des deux à tué qui ? Dans le premier tome, tout accuse Milton ; dans la suite, les aveux de Billy désignent clairement ce dernier. Et pourtant, le doute est permis, en raison de la vigueur récurrente à perpétrer chacun des crimes et surtout d’un final en queue de poisson… En attendant, l’intrigue est captivante à souhait, impeccablement rythmée, savamment dosée. Les acteurs de cette dérive sordide qui va de mal en pis, rappellera en outre à certains le film Affreux, sales et méchants. Rien que le patronyme de cette exécrable famille est tout un poème (« cry » en anglais = pleurer). Il n’y a pas grand-chose à sauver chez eux, sauf peut-être du côté de la mère et des enfants les plus jeunes, encore innocents. D’ailleurs, les auteurs les sépareront in extremis de la tête de la famille, comme pour mieux les protéger du terrible dénouement. Le dessin de Maël se révèle également un fantastique atout dans ce récit. Son trait est tourmenté mais précis, les cadrages et le découpage sont irréprochables, ses couleurs sont ternes, sales, tristes, souvent sanguines, bref parfaitement appropriées à cette déchéance infernale qui n’est que douleur. Un rêve américain abject, pire que le pire des cauchemars…