L'histoire :
Un rituel immuable : à peine sorti de la boulangerie, le fin papier que l’on soulève avec les ongles du pouce et de l’index pour dégager le bout de pâte rose parfum Tutti Frutti. D’abord, il faut l’apprivoiser, tant il est dur pour les petites dents. Ça laisse le temps de déplier la vignette et découvrir ce qu’elle propose. Un tattoo ? Une aventure de Malabar ? Une énigme à élucider ? Qu’importe ! A chaque fois, le plaisir est au rendez-vous. Cette illustre gomme à mâcher est née 2 fois : en 1959 dans l’usine Kréma de Montreuil, 283 rue de la Rosny. Il pèse 6,8 grammes. Et la seconde sous la plume de Jean René Le Moing en 1969, prenant la forme d’un costaud un peu poète, comme son auteur. Cet ancien maquettiste de chez Pilote se forgea par ailleurs une solide réputation de dessinateur publicitaire. C’est pourquoi Havas et Général Food lui confièrent le personnage Malabar, après les résultats d’un concours par trop enfantin. Quelques années plus tard, son ami Albert Uderzo dessinera à son tour le personnage à la mèche blonde, puis s’enchaineront ainsi une quarantaine d’auteurs ou collaborations d’auteurs de vignettes pour une part, mais aussi de nombreux autres projets. Margerin, Yannick, Mic Delinx, Régis Loisel pour les plus célèbres, imaginèrent des centaines d’histoires courtes pour ce super-héros à bulles sucrées. Si le physique de Malabar évolue au fil de son passage de main en main, son allure demeure la même : jean bleu, T-shirt jaune avec un M sur fond blanc cerclé de rouge… Indémodable !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Malabar Histoires de bulles a été concocté par Alain Lachartre, ancien directeur artistique de la marque et amateur de dessin. En passionné méthodique, il retrace l’histoire de ces vignettes, calquées au début sur les images reçues à l’école. Elles évoluent en tatouages décalcomanies, puis deviennent aussi des mini BD à partir de 1977. De petits et grands noms du neuvième art se sont succédés pour croquer le personnage de Malabar, grand costaud au capital sympathie indéniable. Uderzo, Loisel, Margerin et beaucoup d’autres se sont collés à l’exercice, prenant la suite de Jean René le Moing, son créateur. Beaucoup d’anecdotes parsèment le livre au milieu d’un agencement dynamique, teinté de nostalgie, mais aussi de modernité, grâce à sa mise en page. Au fil des nombreux dessinateurs qui rythment les périodes, l’album, aussi costaud qu’un malabar, présente le travail de chacun, des reproductions, des croquis et une immersion dans le contexte des différentes époques. Les phases de recherches, les concours qui ne portent pas leurs fruits, les multiples sursauts stratégiques nécessaires pour contrer le temps qui passe, les multiples supports… C’est aussi une leçon de marketing qui s’étend sur une cinquantaine d’années avec le succès qu’on lui connait. Ludique et bien documenté, cet ouvrage est à l’image de cet illustre morceau de gomme : à la fois dense et tendre.