L'histoire :
Printemps 2020. En plein confinement, Jean-Felix Chénier, professeur en science politique au collège Maisonneuve de Montréal depuis 12 ans est ému par la lecture de l'essai de Lylou Sehili qui lui est adressé : Au terrain vague : pensées et cultures poétiques. Lui qui constate la fuite en avant de la mondialisation marchande, les inégalités qu'elle produit, les destructions de l'environnement qu'elle occasionne, se demande à quoi il peut servir comme professeur et citoyen, à part susciter un sourcillement furtif de ses élèves. Et l'essai de Lylou lui redonne la foi. Il donne alors un cours sur l'utopie et la dystopie, en s'inspirant de la lutte menée dans le quartier Hochelaga à Montréal. Les résident-e-s du secteur se mobilisent en effet pour défendre un terrain vague où la nature a repris ses droits, contre la construction d'un terminal de transbordement de conteneurs. Bruit, poussière et vibrations 24 heures sur 24. Le Projet Ray-Mont logistiques, emblématique de la mondialisation économique, fait craindre le pire. Quel pourrait être le point de bascule dans cette lutte citoyenne ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce livre magnifiquement mis en page donne la parole à des personnes engagées, impliquées, conscientes d'appartenir à une communauté. Il alternant visios avec les étudiants du professeur, les interrogeant sur leur rapport et leur opinion sur la définition des mots suscités ; les citations plus ou moins longues de James Baldwin, Milton Friedman, Jérôme Bosch, (sur le basculement), Donald Trump (et oui !), Stacey Abrams, Amanda Gorman, Yves-Marie Abraham, Daniel Lanois et Bruno Eno, interventions « d'occupants du Terrain », tels : Anaïs Houde, porte-parole importante du parc naturel, ou Joris Maillochon, et extraits de l'essai poétique de Lylou. Jamais donc la parole n’est donnée à un représentant de l’entreprise critiquée, mais les arguments sont tellement fascinants et dans l'air du temps que l'on a vraiment envie de tous les entendre, les lire. D'ailleurs, les réseaux de communications des grandes sociétés étant ce qu'ils sont, déployés sur les médias à renfort de communiqués et d'articles, qu'il aurait été inopportun de perdre la magie se dégageant ici, abordant tellement de sujets écologiques, jusqu'à la notion de féminisme liée au « Care » (prendre soin des autres). Comme le dit Joris, un papa habitué : on est vraiment ici « à la rencontre de l'humain et du vivant » et les paysages ne sont pas extérieurs à nous. D'où le slogan « le paysage est politique ». Les aquarelles de Yoakim Belanger agissent d'ailleurs tel un réseau de racines, comme une végétalisation qui se répandrait entre les interlocuteurs. Chacun étant relié à l'autre, par le biais de l'eau, des couleurs. En cela, l'artiste réussit à nous faire croire, à nous montrer ce qui est ressenti. Une mise en abîme, presque, vis à vis de l'essai initial déclencheur, une force graphique heureuse, surprenante et très réussie, classant Résister et fleurir parmi les tout meilleurs documentaires du genre.
