L'histoire :
Cela va faire deux mois que Thimothée se morfond chez lui, en proie à un spleen existentiel inextricable depuis qu’il s’est fait larguer. Comment sortir de cet état semi-dépressif ? Il se sent trop jeune pour une crise de la quarantaine et trop vieux pour se tailler les veines. Une mouche lui susurre une idée géniale à l’oreille : et s’il extériorisait son mal-être sur son épiderme en se faisant tatouer ? Il appelle aussitôt un copain tatoueur, Pierre-Emmanuel. Dans la banlieue de Metz, ce dernier est capable de se faire tatouer à peu près tout et n’importe quoi sur son propre corps, pourvu qu’il aime. Il porte ainsi un arbre avec des cadres, une chanteuse, un rat, un bébé dans une machine à laver, les têtes de ses parents sur son épaule… Thimothée se retrouve dès lors confronté à LA question majeure : que veut-il se faire tatouer, lui ? Il veut un dessin qui ait du sens, qui n’appartienne qu’à lui, qui signifie au monde sa présence… Or toutes les représentations qu’il croise lui semblent un peu trop convenues ou littérales. Débute alors pour lui une quête du symbole ultime et personnel, qui le définit. Cela commence par une journée à Carling, au cabinet de tatouage où travaille Pierre-Emmanuel. Il va entendre les anecdotes des tatoueurs et se confronter aux désirs iconoclastes des clients…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En dépit de son caractère autobiographique, l’histoire ici racontée par Thimothée Ostermann est une fiction. Il avoue en préface qu’il n’est ni réellement dépressif, ni sociologue, ni largué par sa meuf, et que les circonstances dans lesquelles il plonge son personnage alter ego sont un prétexte pour causer tatouage. Néanmoins, il empoigne ici un sujet de première bourre, qui en dit long sur notre sociologie. Pourquoi le tatouage, jusqu’alors un art réservé aux prisonniers ou aux mauvais garçons, est-il tant devenu à la mode ? Signifie-t-il quelque chose sur notre époque ? Et surtout, quitte à se faire tatouer, qu’est-ce qu’on peut bien se faire tatouer de sensé ? Car par définition, on est amené à devoir arborer – donc assumer et justifier – cette représentation corporelle et intime jusqu’à sa mort. Nous ne révèlerons pas ce que le personnage choisit au bout de son cheminement intellectuel. Mais durant son immersion dans un salon de tatouage, l’auteur partage effectivement des témoignages, des anecdotes, des problématiques insoupçonnées ou lourdes de sens. Il évoque un peu la technique, mais s’en tient surtout à la symbolique, sur plus de 120 planches. Le trait de dessin utilisé pour mettre en scène ce parcours initiatique reste très stylisé, tant pour le trait que parfois dans les perspectives des cases, dans la lignée de ce que propose Ostermann depuis son Voyage en tête de Gondole. Une exception est évidemment faite pour la représentation des tatouages à proprement parler, dessinés dans le réalisme qui leur est propre. Ce dessin s’accompagne d’une colorisation en bichromie d’aplats rouges-bleus.