L'histoire :
Monsieur Martinez est un boucher-charcutier réputé. Il explique à un de ses clients le procédé artisanal qui lui permet d’obtenir ce label qualitatif. Primo, il parcourt les belles régions de France (en picolant du pastis au volant). Il va à la rencontre de provinciaux folklos mais sympathiques (ils se foutent sur la gueule après qu’il a trop picolé dans les bars). Il se rend aux bonnes adresses des producteurs locaux (il embarque aussi tout ce qu’il écrase avec sa camionnette). De retour dans sa cuisine, il mitonne enfin tous ces produits de premiers choix (il fout tout en tas dans la broyeuse, puis il vomit son abus de pastis dedans). Le client est ravi, qui repart avec un pavé de VVT (Valse de Viande Tarnaise), au léger arôme d’anis.
Tandis qu’il taille sa haie durant le congé du week-end, un coiffeur papote avec son voisin. Il glorifie la passion qu’il a de son métier, qui lui offre de pouvoir « tailler le bout de gras » avec ses clientes (leur sectionner l’oreille). Ce faisant, il est toujours à l’écoute de leurs soucis de santé (quand le sang gicle, certaines font des arrêts cardiaque), de leurs inquiétudes (quand certaines se barrent en courant, elles se rétament dans la marre de sang)… ce qui fait que sa clientèle ne repart jamais mécontente (elle ne repart jamais, en fait).
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comme l’explicite assez bien le titre, Pire ouvrier de France cherche à explorer les manières potentiellement les plus trashs d’exercer un métier artisanal. Peintre, maçon, taxidermiste, plombier, fromager, bucheron, horloger… Olivier Besseron et Fréderic Felder (alias Franky Baloney des Requins Marteaux) s’adonnent à un véritable carrefour des formations ; sans l’obédience crado, ils seraient d’ailleurs peut-être parrainés par l’Onisep. Car vous aurez noté que dans « artisanal », il y a « anal »… Vous aurez déduit le registre majoritairement scatologique des dépravations auxquelles s’adonnent les protagonistes, acteurs de la grosse vingtaine de gags en 2 planches ici rassemblés – plus quelques strips « bêtes et méchants ». De fait, ça picole, ça dégueule, ça éviscère, ça charcute, ça émascule, ça décapite, ça fistfucke, ça a la chiasse… On évolue ici bien en-dessous du dessous de la ceinture : on évolue dans ton cul. Pour le coup, l’ouvrage pourrait être parrainé par Grosland®, si le procédé était moins gratuit et la finalité plus cynique. Un procédé comique récurrent consiste à détourner l’image la plus gore qui puisse se faire, en décalage par rapport au texte narratif tourné selon un consensuel de mauvaise foi. Le dessin clair et ciselé (surtout quand c’est bien dégueu) de Besseron fait quant à lui un contre-pied-de-nez à l’ambiance grasse. Des tronches caricaturales, des mains à quatre doigts (comme chez Disney et Cestac), une colorisation volontairement délavée, des détails croustillants (mais trop rares) dans les coins… Il y a tout de même largement de quoi bidonner les amateurs d’humour graveleux.