L'histoire :
Un homme court euphorique à travers la nature, s’émerveillant de l’herbe tendre, de la robustesse de l’arbre, du lent et poétique déplacement de l’escargot, et puis… ça lui tourne… il défaille, ses jambes tremblent, sa vue se brouille. Il est impératif de le sortir urgemment de cet espace non-virtuelle. Pas plus de 10 minutes la première fois, on avait dit.Deux techniciens d’une centrale nucléaire s’étonnent du clignotement d’un voyant rouge sur leur console de contrôle. L’un d’eux attrape son smartphone et googueulise le problème. Internet lui répond : « Si votre voyant moteur clignote, coupez au plus vite le contact ». Ah ah, il s’est trompé, il a consulté le site vroumvroum.com ! Il recommence en précisant « Centrale nucléaire ». Quelques jours plus tard, les deux techniciens reçoivent la légion d’honneur dans les salons de l’Elysée pour avoir sauvé le monde d’une terrible catastrophe.
A un guichet, un homme est obligé de présenter tout un tas de documents et de donner des quantités folles d’informations – dont son mail écrit deux fois, avec un mot de passe contenant un caractère spécial, une majuscule, un symbole runique et une diphtongue maya – de cocher plusieurs cases de conditions générales et d’utilisation de ses données personnelles, tout ça afin de pouvoir… accéder à un urinoir.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En interview, l’auteur Fabrice erre définit cette série de gags, dont voici le second recueil, comme « une entreprise scientifique cherchant à déterminer comment l’être humain a pu, en tant que mammifère rustre et brusque, passer miraculeusement au stade de mammifère rustre et brusque mais connecté ». En somme, rions un peu avec les dérives de la communication digitale : les réseaux sociaux, l’addiction aux écrans, la lecture du monde à travers le prisme systématique de nos smartphones… Mauvaise nouvelle : si vous lisez cette chronique sur Internet (et elle ne se trouve nulle part ailleurs), c’est que vous êtes vous-même mal barré(e). Bonne nouvelle : si vous avez le sens de l’autodérision, vous allez pouvoir vous moquer (et prendre conscience) de vos propres abus d’écrans. Car Fabrice Erre a le don pour appuyer (sans scroller) avec une belle diversité de sujets et de ressorts comiques sur nos nouveaux réflexes sociaux connectés. Il faut dire que le propos ne manque pas de matière : les influenceurs, les CGV, le RGPD, les tutos, les facebooklives, la googueulisation, les shitstorms, le tindermatching, la pub personnalisée, les deepfakes, les applis pour tout, les objets connectés, la téléconsultation, les likes, les performances de youtubeurs, les hackeurs, la perte de sens, les algorithmes, les trolls… C’est génialement caricatural, globalement inspiré, majoritairement essentiel. Bref, on like et on partage. Big up. Cœur avec les doigts. Mention spéciale à la réforme de l’éducation nationale en p.50.