L'histoire :
Le 3 juillet 2010, Timothée Ostermann pointe pour son premier jour de travail au sein de l’hypermarché Leclerc® alsacien où il doit exercer son stage d’été. Il est reçu par Gilbert, chef du service entretien, qui lui explique quelques règles de base, la mentalité familiale ambiante et lui fait signer son contrat de travail. Dès le lendemain, à 5h45, c’est Henry qui l’accueille et prend le relais. Il lui fait visiter le magasin, ses coursives et son entrepôt, puis il lui explique la tâche à laquelle il va être affecté. Il doit récupérer les chariots grillagés remplis de cartons vides et fourrer les cartons dans la compacteuse. Puis une fois qu’il y a un gros bloc, nouer le bloc avec les ficelles et transbahuter le tout avec un transpalette. Ses outils : des gants de protection, un cutter et un T-shirt Leclerc®. Thimothée a tout bien compris et il reproduit donc l’exercice pour son premier ballot, mais seul, cette fois. Or, dès son premier ballot, il y a un bourrage imprévu : la ficelle claque et le bloc de carton ressemble à un amas bordélique à la sortie de la compacteuse. Timothée a des sueurs froides : il doit déjà quémander de l’aide auprès de Guy, le préposé à la réception des camions. Or Guy est flegmatique. Il prend son temps pour arriver, ce qui met Timothée face à une file monstrueuse de chariots à traiter…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Timothée Ostermann est le plus jeune auteur des écuries Fluide Glacial à être publié (24 ans, élève de Yann Lindingre). Pour sa première bande dessinée, par le truchement de l’humour léger et de la démarche didactique, ce jeune auteur relate son expérience professionnelle lors d’un stage d’été dans les coulisses d’un hypermarché Leclerc®. Que les lecteurs syndicalistes n’aient pas la fibre marxiste trop chatouillée : il n’est pas précisément question ici de dénoncer frontalement l’annihilation du travailleur passé à la moulinette de la grande distribution. Ostermann se borne à raconter son expérience de manière neutre et détachée de toute revendication politique, sans prétention d’en généraliser des leçons sociales. Et tant mieux : c’est ainsi que le lecteur se forgera sa propre idée du job et du milieu. Tel un entomologiste exerçant dans la terra incognita des entrepôts, il relate et transmet. Ses outils d’exploration sont le transpalette, la compacteuse et le chariot grillagé ; ses atouts sont une faculté à magnifier l’ordinaire et à déceler la personnalité attachante de tous ces anonymes travaillant en souterrain. Chacun a le petit stigmate de sa spécialité, d’aucun ne prétend étendre son influence à partir d’une répartition de tâches simples, définies par le rodage d’une machinerie bien huilée. Les portraits des gens et des fonctions sont ainsi plus tendres que moqueurs. Le dessin moderne, simple et stylisé a le mérite de la clarté et de l’expressivité. En marge du registre de la BD reportage, Ostermann n’a pas l’objectif de la grosse rigolade ou du gag à tout crin : ce type d’album a plus vocation à faire sourire que rire… mais surtout à faire découvrir au plus grand nombre la fabuleuse face cachée d’un iceberg que ce grand monde est amené à fouler au moins une fois par semaine.