L'histoire :
Un matin, dans le métro bondé, Lily se retrouve collée à un Gwailo (un blanc). Jusqu’ici agacé par cette affluence matinale et les odeurs de transpiration parmi les voyageurs serrés comme des sardines, le jeune homme se dit qu’il a finalement la chance d’être plaqué à la plus belle femme de Hong Kong. Tout à savourer le moment, il ne remarque pas que le wagon s’est vidé et qu’il n’y a plus de raison à rester collé à la jeune femme. Lily, elle, ne manque pas de lui faire remarquer… Emporté par son attirance, le jeune homme se présente sans ménagement et reçoit une claque appuyée en réponse. Il sort pourtant de la rame sur les talons de Lily, fermement décidé à ne pas se laisser décourager par son attitude pour le moins négative. Finalement, il joue sa dernière carte, en criant à qui veut l’entendre que, puisque c’est comme ça, il partagera le million de dollar dont il a hérité avec quelqu’un d’autre ! Effet immédiat : il obtient le numéro de téléphone de la jeune femme ! Pour autant, quand il lui demande s’il y a une relation de cause à effet, une nouvelle bonne baffe lui rappelle que la conquête sera pour le moins ardue…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Larry Feign, dessinateur et écrivain mondialement salué (Amnesty International…), publiait en 1986-87 dans le Hongkong Standard, Le monde de Lily Wong, une chronique « one strip » satirique sur les interactions anglo-chinoises d’avant le retour de la cité dans le giron territorial. Ici compilé en format 15 x 21, l’intégrale est un bijou dans son domaine. Bien que graphiquement anodines, les aventures de Lily recèlent un trésor d’humour délicat sur les relations hommes-femmes, au-delà du propos satirique local. Les personnages ont tous un caractère marqué, bien assorti au ton pince-sans-rire de l’ensemble. Et les gags s’enchainent au rythme soutenu imposé par un format qui rappelle celui des storiettas de Mafalda. Délibérément provocateur dans à peu près tous les domaines, Feign touche la corde sensible, dénonçant mine de rien les travers d’un système où l’intégration et les différences ethniques sont un sujet pour tous. Ainsi, les parents et le frère de Lily sont confrontés au fossé des cultures que la jeune femme semble prête à franchir en se laissant courtiser par un « gwailo », terme plus ou moins péjoratif qui désigne les blancs à Hongkong. Cette situation révèle les difficultés que rencontrent ceux qui s’affranchissaient des règles en vigueur et les oppositions butées auxquelles ils se confrontaient dans cette enclave qui fut britannique jusqu’en 1997. Le ton est tout simplement irrésistible. En un mélange d’humour à froid et d’austérité communiste déjà en lambeau à cette époque, l’auteur livre une perle de choix, intemporelle parce qu’impartiale et tendre envers le genre humain.