L'histoire :
C'était il y a bien longtemps. Alors que les vertus tant vantées des habitants d'Hadleyburg étaient devenues une source intarissable de vanité et de fierté, alors que la réputation de ses citoyens incorruptibles éclipsait celle des villes voisnies, moins chanceuses et sûrement moins vertueuses. C'est alors que, peut-être même sans s'en rendre compte – car ils étaient peu soucieux de l'opinion des autres – par inadvertance, les citoyens d'Hadleyburg offensèrent un étranger. Malheureusement ce dernier était très rancunier. Il passa plus d'un an à mettre au point sa vengeance. Il pensa bien à la prendre par le feu, pour marcher dans les cendres de cette ville qui serait punie bibliquement... Mais ce n'était pas assez. Pas plus qu'une épidémie ou une inondation. Ni le feu, ni la peste, ni même un déluge ne suffiraient. Ce qu'il allait faire, c'est salir l'honneur de ces citoyens et démontrer leur vanité...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Wander Antunes appartient aux artistes dont il convient de surveiller les parutions. Même s'il ne s'agit que de son septième album édité en France depuis 2005, on se souvient de son scénario pour Toute la poussière du chemin. Et cette fois-ci, c'est en auteur complet qu'il adapte une nouvelle de Mark Twain, très connue aux USA et bien moins par ici. Le brésilien surprend par son talent de dessinateur et de coloriste. Dès les premières pages, le soin qu'il porte aux ombres, aux couleurs et aux décors séduisent et permettent de s'immerger dans l'histoire de Hadleyburg, petit bled bien-pensant qui va traverser une épreuve. Le découpage s'avère très travaillé et on apprécie les nuances d'encrages qu'il amène, jouant avec l'épaisseur des traits. Le rythme est lent, pour mieux s'imprégner de la mentalité des culs-bénis de cette ville, dont le slogan vante la localité comme étant la plus honnête d'Amérique. Mais un homme va prendre une revanche. Se considérant comme ayant été humilié lors de son passage dans la ville, il va faire miroiter un héritage à qui réussira à résoudre une énigme. Et ce test révèlera l’extrême cupidité de tous. Doucement mais sûrement, Wander Antunes plombe l'atmosphère et introduit une tension aussi malveillante que l'esprit de ces WASP. On retrouve avec grand plaisir quelque chose de cette « littérature sociale » US, qui peut rappeler aussi Steinbeck, dans l'art de faire vivre « les petites gens ». Enfin, l'auteur ne se contente pas d'adapter à la lettre la nouvelle de Mark Twain, car il introduit ses deux personnages emblématiques, Tom Sawyer et Huckleberry Finn, qui viennent jouer de sympathiques seconds rôles. Voici donc un album réussi, tant sur le fond que sur la forme.