L'histoire :
10 Septembre 2002. Alain Rémy vient de passer la nuit chez sa mère, alors que toutes les autres nuits, il dort chez Carol-Ann, sa voisine et petite amie. Mais ce soir-là, sans raison, il a décidé de venir dormir dans la maison familiale. Coïncidence, pressentiment, qui sait ? Ce matin, très tôt, Paulo, son beau-père, est entré dans sa chambre. Rien qu'à sa tête, Alain a immédiatement compris. Et Paulo n'a pas les mots, en tout cas, il n'en a pas d'autres : « Va la voir, elle est encore tiède ». Alain s'habille, lentement, comme si tout était normal. Paulo lui demande un café. « Après »... Après quoi ? Inutile de se presser, les morts sont patients. Alain veut savoir l'heure qu'il est, pour pouvoir retenir celle de leur dernier tête-à-tête. La chaleur d'une mère... Un symbole, presque un pléonasme. Alors il veut profiter d'elle jusqu'au dernier degré. De cette chaleur qui la quitte peu à peu, à mesure que celle du jour s'installe. Paulo rappelle le père d'Alain, qui a été le mari de Jeanne. Il était sur le point de repartir chez lui, à Madagascar. Il était même à l'aéroport, comme si Jeanne avait choisi de s'envoler en même temps que son vieil ex. Alors en attendant que le reste de la famille rejoigne la maison, Alain regarde les murs, qui témoignent de toute la vie de sa mère...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Alain Rémy, dit Gaston, est un auteur français né au Maroc en 1965. Il a travaillé pour le dessin animé (La bande à Picsou pour Disney, Les aventures de Tintin pour Ellipse). Le jeu vidéo lui a aussi permis de vivre de son art (Tintin et le secret de la Licorne pour Ubisoft et même Les lapins crétins). Enfin, si vous vous rappelez des numéros aussi peu nombreux qu'hilarants de Sarko Hebdo, vous avez sans doute croisé ses dessins, qu'on peut aussi trouver au Midi Libre ou dans Marianne. Voilà pour le CV façon raccourci express. Avec ce livre qui porte si bien son nom, c'est la vie de sa mère, la sienne et aussi beaucoup celle de sa famille, qu'il nous donne à découvrir. Et il est particulièrement difficile de vous en parler sans prendre le risque d'en dénaturer la beauté, parfois la gravité et en même temps l'humour désinvolte dont il fait preuve, finalement avec beaucoup de pudeur. Si la vie de chacun peut être résumée à une histoire avec son début et sa fin, le récit de celle de sa mère est en réalité le plus beau portrait qu'un fils peut réaliser de sa mère. Un témoignage touchant qui rend un bel hommage à sa Jeanne, née dans le Jura d'un couple d'agriculteurs, qui se maria après être tombée enceinte, dont la grossesse fut certainement interrompue par le recours aux « tricoteuses », ce qui lui permit aussitôt de quitter et mari, et parents, et la France, forte d'une mutation au Maroc que la jeune prof' de math, toute fraîche diplômée, avait obtenue suite à une demande formulée dans le secret. Les secrets de famille, qui n'en a pas ? Peut-être ceux qui les ignorent – souvent les gosses, jusqu'à ce qu'ils pètent à la gueule de tout le monde. Jeanne en avait aussi... Alors sa vie d'expat' est aussi le moyen de témoigner d'un autre temps et d'autres mœurs. Le nombre d'endroits où elle a vécue, jusqu'à ce que ses trois enfants s'émancipent, sont autant d'étapes de sa vie : le Maroc, Port au Prince, La Réunion, le Mali, l'Espagne, le Togo... En filigranes, la vie d'un père très souvent absent, lui aussi parti, à Madagascar en l’occurrence. Jusqu'au retour de cette mère aimante en France, à Nîmes pour son climat. Jusqu'à la tumeur cancéreuse au cerveau qui l'a emportée à 62 ans. Voilà également un résumé grossier, car tous les sentiments que contiennent les 320 pages de cet album, toutes les émotions qu'elles véhiculent, avec son dessin minimaliste, n'appartiennent qu'à Gaston. Et un peu à celui et celle qui le lira, ce qu'on ne pourra que trop vous conseiller.