L'histoire :
Paul, tatoueur de grand talent, exerce le job très recherché de dessinateur pour la police new yorkaise. Capable de tirer le portrait robot hyper réaliste de criminels recherchés, sur la seule base des informations données par les témoins, il est souvent un élément déterminant des enquêtes. Mais un serial-killer, qui viole et tue des femmes dans les ruelles sombres de la ville, pose des problèmes insurmontables. Ne laissant pour toute trace qu'un bonnet de Père Noël sur chaque scène de crime, il demeure cruellement introuvable. Une vingtaine d'années plus tôt, dans l'Union Soviétique des années 50, Paul a débarqué avec ses parents épris d'idéaux révolutionnaires. Son père a rejoint la patrie du cinéaste Eisenstein dont il créait les décors, persuadé de vivre une vie enthousiasmante au cœur d'un projet humaniste. Brutalement arrêtés pour activités d'espionnage, les parents et leur petit garçon sont emmenés dans un goulag sibérien. Très vite séparés, ils laissent seul, dans le camp pour enfants, un gamin sans repères, ayant appris avec son père à développer ses talents de dessinateur. Paul devient rapidement le tatoueur désigné des prisonniers comme des gardiennes, et trouve au sein du camp une forme de reconnaissance artistique et statutaire. Qui va le conduire à une rencontre déterminante...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le duo Charyn / Boucq se reconstitue pour une nouvelle aventure hors du temps, pleine de personnages forts, de références historiques et de scènes mémorables. L'écrivain new yorkais a ici concocté une histoire sur mesure pour son dessinateur attitré, mettant en scène un artiste anonyme mais virtuose dans deux grandes époques de sa vie. Il donne l'occasion à François Boucq de créer une forme de mise en abyme qui le voit animer un surdoué de l'anatomie, brillant dès son plus jeune âge dans le camp de travail de la province de Kolyma. Les événements qui émaillent la jeune existence de Paul sont cruels, faisant subir au gamin les épreuves d'une vie d'homme. L'apparent détachement de l'adulte dans le New York des années 70 fait naître le suspense qui sous tend l'album, tant que les histoires et les époques ne se rejoignent pas. Mais malgré une construction habile et une maîtrise narrative sans faille, l'album n'est étonnamment pas le chef d'œuvre attendu. Très visiblement structuré pour permettre au graphisme époustouflant de Boucq de s'exprimer, il ne déçoit aucunement le fan de ce très grand dessinateur. La précision de ses visages, la force du regard de la mère de Paul en page 14, sont fascinants. Boucq est un artiste unique et inimitable qui donne une vie propre et une chair véritable à ses personnages. Cet album est sur ce plan un nouveau prodige, un grand plaisir pour les fans. Mais Little Tulip, construit sur une intrigue finalement plutôt simple, n'est pas Bouche du Diable. Tout en restant un incontournable de cette fin d'année.