L'histoire :
Une petite bestiole vient d’insérer une pièce dans le distributeur de boisson, histoire d’étancher sa soif. Sauf que rien ne tombe… Agacée, la petite bête l’est encore plus quand le chien venu après elle, récupère sa boisson. Après une petite échauffourée, la bouteille se fracasse sur le sol en mille morceaux. Il en sort un diablotin tout noir à deux têtes qui ne cesse de grandir. Effrayés, le chien et la bestiole tentent de s’enfuir mais ils sont pourchassés, enlacés et retenus aux pieds par les rejetons du diablotin. Le chien s’est fait attraper tandis que la bestiole se réjouit de son malheur. Celle-ci a réussi à fuir. La voilà désormais face à une ville dans un no man’s land inquiétant. Serait-ce là le Grand Distributeur ? Rien ne sera le fruit du hasard et toute contingence trouvera une explication rationnelle… ou pas !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
A la lecture de Machination, on pense évidemment aux aventures de Frank de Jim Woodring (d’ailleurs récompensé par le prix du jury à Angoulême 2012) et à son univers psychédélique. Sous la forme d’une aventure infernale et loufoque, inquiétante et étrange, Skalito Yoshimoto balade son lecteur dans des trous, nous montre des machines high-tech ou des cuves débordantes d'un liquide noirâtre bizarre, le tout dans des univers surréalistes, sources de questionnements sans fin. On flippe face aux sourires édentés de monstres sans noms, paumés dans de longs couloirs déserts qui se rejoignent pour former un labyrinthe kafkaïen ; on angoisse face aux hommes-pierres et on dégringole dans des abîmes de (non)sens. Troublant, parfois drôle, souvent surprenant. Tour à tour absurde ou insolite, le récit mise sur la sagacité d’un lecteur apte à décrypter tous les non-dits et les silences. Le dessin, alors volontairement minimaliste, verse parfois dans la caricature et l’excès de forme pour distiller l’inquiétude dans des ambiances décalées. Ici, l’auteur n’atteint pourtant pas la virtuosité narrative et graphique de Jim Woodring, et un certain nombre de planches demeurent nébuleuses. Plusieurs lectures seront donc nécessaires pour bien déchiffrer tous les mystères de cette aventure sans logique apparente. Si Machination se lit sans déplaisir, il faudra néanmoins prendre tout son temps pour reconstituer le puzzle et en dégager une cohérence. Et décider s’il s’agit d’une farce sans conséquence ou d’une machination audacieuse… Une course-poursuite d’enfer en tout cas, entre surréalisme et onirisme.