L'histoire :
En l’an 2000, ils sont trois jeunes à se présenter pour la première devant le public d’un festival rock, sur une scène de Pékin. Devant eux, un flot de spectateur qu’ils sont avides de contenter de leur musique. Le batteur Heizi, le bassiste Mu Jiadong sont présentés au micro par le leader-chanteur-guitariste, Zhang Xiaoxiao. En interviews, ils annoncent crânement qu’ils vont bouffer le monde. Pourtant, quand on les retrouve en 2006, ils sont séparés. Poussé par la volonté parentale, par la nécessité de se marier et de faire un enfant, Zhang a dû trouver de « vrais » métiers, dans l’immobilier et les petits boulots. Heizi a quant à lui loupé ses études, sombré dans l’alcool et déçu ses parents. Suite à une violente altercation avec un rival, une forme de rédemption lui a été imposée au sein de l’armée : affecté 3 ans aux frontières du pays, où il s’est endurci en affrontant le pire de l’humanité. Quant à Jiadong, il s’est lancé dans le commerce fringue, un marché qui l’a fait prospérer, qui l’a stressé, mais qui ne l’a pas contenté. Ils se retrouvent en 2012, à la terrasse d’un bar. Ils ont muri, ils ont grossi, les stigmates de leurs expériences se lisent sur leurs visages un tantinet bouffis et marqués. Bien qu’érodée par les années et le manque de pratique, leur soif de rock est néanmoins intacte. Ils décident de reformer le groupe. En auront-ils la possibilité ?
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En 2006, les éditions Xiao Pan publiaient Mélodie d’enfer, le premier récit en diptyque d’un auteur pékinois surdoué, Ming Lu. 13 ans après sa première publication en Chine, l’auteur revient avec les mêmes thématiques du rock et du destin infernal. De l’aveu même de l’auteur, l’intention narrative de Hard Melody s’est érigée au fur et à mesure qu’il en dessinait la centaine de pages en noir et blanc qui le composent. Débuté comme un clin d’œil à sa première série, Hard melody se met finalement à aborder un propos sociétal riche de sens, à la violence croissante. Si la narration de Lu Ming reste distante, évidemment en marge des canons franco-belges, son dessin est somptueux. Il utilise souvent de larges cases, d’une finition réaliste extrême – tel qu’on se croirait par moment face à un roman-photo – qu’il s’agisse de macro-plans sur les visages ou de larges scènes urbaines ou lyriques. Beaucoup de cases utilisent la pleine largeur des planches, voire de pleines pages, voire de doubles-pages. Par ce biais, les héros, trois jeunes rockeurs de l’an 2000, se présentent initialement avec une féroce volonté de bouffer le monde. Puis ils se retrouvent douze ans plus tard avec de lourdes désillusions en poche. La mentalité de la Chine d’après Mao, véritable bulldozer libéral sur le plan économique mais pas du tout social, a meurtri leurs ambitions créatrices. Les destins tourmentés et désabusés de ces trois adultes est à mettre au crédit de cette société chinoise fermée, sclérosée, qui donne le sentiment que les trajectoires de vies sont toutes tracées et accordent peu d’espace d’expressivité. Hard Melody se révèle ainsi comme un cri d’alarme désespéré, les prémices d’une nouvelle révolution culturelle ?