L'histoire :
La rose : Un homme habillé d'un pantalon de pyjama tombe à travers les limbes obscures. Soudain, une fente de lumière est en vue et l'homme passe au travers. Il s'extirpe alors d'un conduit organique d'où s'échappent mille sortes de tiges... et tombe de nouveau, dans un espace sans fin. Des ailes de feu lui poussent sur les bras et l'homme se met à voler, avec jubilation. Il met alors le cap vers un ballon multicolor sur lequel se trouve une jeune femme nue, tous membres écartés. A l'endroit de son sexe, se trouve une rose, toute fraîche, toute délicieuse. L'oeil de l'homme brille d'une lueur instinctive et libidineuse. Il en perd ses ailes et plonge droit vers cette cible, dissimulant mal une érection d'enfer sous son pyjama. Et plof ! Une fois à l'intérieur, l'homme se retrouve dans les mêmes limbes obscures qu'au tout début...
La clé : Assise à califourchon sur un sanglier gigantesque, une jeune archère s'attend à recevoir une énième flèche, tirée depuis un lointain espace. Elle décroche alors une des clés, qui pendouillent au bout des branche de l'arbre sous lequel elle se tient. Cette clé enfoncée dans son nombril, lui sert à ouvrir son torax, dans lequel un pilote s'extirpe, s'étire, mange un morceau et s'extasie devant une photo étonnante : c'est lui-même, le torax ouvert, avec la jeune femme pilote à l'intérieur...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout commence par une chute vertigineuse, qui n'est pas sans rappeler celle de John Difool dans l'Incal. Le barbu qui sert d'avatar à Max Frezzato est sans conteste son autoportrait. Mais ce double surpasse largement le cadre de l'autobiographie, pour incarner globalement une idée de l'homme et de sa destinée, à travers un dessin semi-réaliste largement imprégné des mondes de fantasy dont Frezzato est spécialiste (Les gardiens du Maser). Plus précisément, dans cet ouvrage au format à l'italienne, l'auteur italien livre 4 historiettes muettes aux intentions universelles, qui sont autant d'allégories poétiques, de symboles oniriques de l'existence et de l'amour. A travers La rose, il résume carrément « la vie », mêlant le sens de la synthèse à la malice : de la naissance à l'envol, puis à l'excitation, qui permet de redonner la vie ; le sexe féminin, début et aboutissement, permet alors de boucler la boucle. Dans La clé, il illustre l'amour, ses affres et ses douleurs, ou comment deux êtres qui s'aiment s'envoient des volées de flèches dans la tronche, chacun campé sur son territoire. L'histoire du Parapluie change de registre graphique, avec une technique à l'huile et/ou aux crayons gras. Plus énigmatique, le propos semble s'intéresser à la transmission du savoir, à la protection, bref au rôle de parent, à l'amour paternel, aussi nécessaire qu'évanescent. Enfin, dans Le petit cochon, Frezzato semble vouloir éradiquer une forme de « real-matérialisme culinaire »... mais de même, l'intention reste nébuleuse. Le manque de limpidité des deux dernières histoires réfrène notre enthousiasme pour ce bel ouvrage d'art emprunt de lyrisme et de philosophie...