L'histoire :
Il était une fois Frère Joyeux, un ancien soldat libéré qui s’en retourne dans ses pénates. Chemin faisant, ce petit bonhomme généreux, dont le surnom est du à la perpétuelle bonne humeur, rencontre trois gueux sans le sou, à qui il cède à chacun un denier et un morceau de pain. Le soir, il s’attable à une auberge où il se paye un pichet avec son sou restant. Un quatrième hère lui réclame alors l’aumône. N’ayant pas le cœur à se repaître devant lui, mais n’ayant plus rien à lui offrir, Frère Joyeux partage son repas. Pour le remercier, l’homme lui propose de faire la route ensemble : il s’y connait en médecine et partagera ce qu’il gagnera. Le premier patient, un berger qui a chu de son arbre, offre aux deux compères un agneau, qu’ils embrochent le soir venu. En l’absence de son compagnon parti chercher de l’eau, Frère Joyeux ne contrôle plus ses papilles : il dévore le meilleur, le cœur de l’animal. Or, quand l’homme revient, il réclame justement ce morceau… Embarrassé par son impatience, Frère joyeux lui ment : l’agneau n’avait point de cœur. Peu dupe, l’homme refuse de continuer sa route avec un menteur. Néanmoins, pour le remercier de sa charité passée, il lui offre une besace magique : elle lui accordera tout ce qu’il voudra avoir à l’intérieur…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Librement adapté d’un conte des frères Grimm (Bruder Lustig), ce petit one-shot de la collection Tekap (32 planches) se révèle plaisant à plus d’un titre. Tout d’abord, le traitement graphique réservé par Renaud Dillies à son adaptation est à la fois maîtrisé, stylé, tout en restant très lisible et emprunt d’une grande légèreté. L’artiste révèle ici toute la palette de son talent, en changeant d'un iota sa façon de travailler par rapport à ses autres œuvres (Sumato, Betty Blues, Sumato…). La colorisation parait plus travaillée, les traits finement doublés de lignes blanches accordent un aspect pétillant à l’ensemble… Au cœur du récit, la bille de clown de Frère Joyeux accorde en outre la bonhomie idoine au personnage. Ensuite, la fable déploie de multiples sens de lecture. Car aux inéluctables morales qui jonchent la route de Frère Joyeux, s’ajoute ici un zest d’espièglerie original et fort plaisant, « moins catholique » (chouette final !) que l’exige habituellement ce type de parabole. C’est donc certes un message de tolérance, de partage, de don de soi qui nous est livré… mais aussi de malice et de recours au système D. Etant donné que le conte est assez peu connu du grand public, l’exercice de style est ici franchement réjouissant. Une chouette surprise !