L'histoire :
Aimer les oiseaux, c’est mignon. Aimer les enfants, c’est bien aussi. Toutefois, cela dépend comment on peut définir le verbe « aimer ». C’est le cas de Peter Hickey, âgé de 60 ans, qui les aime un peu trop... Ou plutôt, comme il a été aimé petit. Il voudrait partager sa passion des oiseaux avec eux « Pour prouver au monde que je ne suis pas un pédophile ». En effet, il fait découvrir sa passion aux plus jeunes, mais l’approche est souvent étrange. On tend un filet pour le capturer. On le met dans une boîte pour faire des esquisses. Et sinon, on le bague afin de le suivre et l'identifier. Parfois, il le tue, tout simplement. Toutefois, les discussions finissent toujours par déborder sur la sexualité. Comme la masturbation chez les jeunes, l’orgasme dans la lecture, payer pour voir des images pédophiles... Un lien étrange le rattache à Dieu, une pratique et un enseignement religieux très stricts, ainsi que l’amitié. Les oiseaux lui parlent et pas seulement pour lui dire d’aller se faire foutre. « Tu devrais étudier les oiseaux et tu ne sais pas ce que c’est d’aimer les enfants. Tu es confus, Peter, emmêlé dans tes croquis et tes filets, sans savoir que ton propre cœur est tel un filet, bourré des déchets du monde ». Tout n’est pas bon à entendre et encore moins à vivre.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Tout commence par cette phrase percutante. « Ce salaud ne m’a jamais sodomisé, Dieu le bénisse. Mais à chaque fois qu’on apercevait un oiseau rare, il me prenait la main… pour se tripoter, tandis que la nuit effleurait les champs irlandais et que même le chant du plus grossier rouge-gorge sonnait comme celui d’un rossignol à ses énormes oreilles poilues ». Va t-on lire le témoignage d’une victime d’abus sexuels ? Non. C’est l’adulte abusé étant petit qui parle et qui dévoile son côté sombre. Ou sa folie. Ou les deux. Tout du long de cet étrange album qui aborde de face un sujet on ne peut plus tabou et actuel, la lecture est particulièrement trouble sur le personnage principal. Malgré son âge avancé, il ressemble à un adolescent, parfois. Immédiatement, un malaise s’installe et cela se poursuit en tournant les pages... jusqu’à la dernière. D’autant plus que le lien entre enfant, foi, sexe et animaux est totalement incohérent, malsain et amalgamé. Les phrases comme « Elle paraissait proche de l’orgasme en récitant ses vers intemporels, comme si Dieu la rappelait à lui » ou « il était une fois… l’innocence. Un enfant pouvait être l’ami d’un adulte et un adulte l’ami d’un enfant. Maintenant tout est… gâché… fini le temps de l’innocence ». Comment réagir à de tels propos on ne peut plus dérangeants ? Comment ne se pas se sentir mal à l’aise envers cet homme qui dénie ses pulsions ? Et surtout, quel propos central a voulu soulever Francisco Sousa Lobo avec un tel album ? Au final, même quelque temps après sa lecture, même si l'immersion dans la peau d'un pédophile sort évidemment des sentiers-battus, le souvenir de ce livre provoque mal-être et dégoût. Pour autant, cet exercice complexe permet de pointer le juste nœud de la pédophilie – les abusés seront abuseurs – en restant dans le domaine de la métaphore et (heureusement !!) sans le moindre voyeurisme.
