L'histoire :
Dans son petit village paumé de l'est de la France, Hugues mène une vie ordinaire aux côtés de ses parents et de ses deux frères. Mais depuis quelques temps, depuis avril précisément, les disputes entre ses parents se multiplient : son père ne vient plus déjeuner à la maison, préférant passer son temps au bistro du coin à écumer les mousses de bière. C'est bien simple, il ne dessoule plus ! Ivre le matin, saoul le midi et violent le soir. Pour masquer ses souffrances, cacher ses douleurs, la mère d'Hugues ne sort plus, fuit les voisins pressants, s'isole dans le silence et porte des lunettes noires toute la journée. La maison est lourde de tensions, de non-dits, de dénis, qui vont peu à peu se transformer en fardeaux existentiels pour le jeune Hugues... Sa mère envisage même une solution radicale : tuer son mari en feignant l'accident domestique. Impuissant, Hugues va lui aussi s'isoler, trouver un exutoire dans le dessin et une porte de sortie avec Dominique, sa tante, qui lui a promis de l'inviter chez elle à Besançon...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Déjà remarqué pour ses romans graphiques (Le Petit Lulu, Bienvenue dans le Marais), Hugues Barthe fait son retour avec un récit introspectif, une autobiographie plongeant aux sources d'un bouleversement (l'alcoolisme d'un père qui dérègle une famille), histoire d'en saisir les enjeux et de faire le point. Une adolescence vécue dans la souffrance, l'isolement et aussi, paradoxalement, l'évènement fondateur d'un destin. Ce passé qui ne passe pas, Barthe a préféré l'exorciser par la BD et le dessin, pour se l'approprier et le dépasser. Nous soufflant au passage que c'est en s'y confrontant qu'on apprend de nos blessures. Avec une sensibilité qui ne verse jamais dans la sensiblerie, mais aussi délicatesse et retenue, le récit donne à voir un jeune Hugues, seul, impuissant et finalement toujours sympathique. L'autre réussite de l'auteur, c'est de nous faire toucher du doigt le triste quotidien d'une famille où le père sombre dans l'alcoolisme, la mère et les frères dans le déni, tout en dressant le portrait d'une famille en train d'éclater. L'auteur en profite aussi pour aborder des thèmes singuliers : l'ennui de la vie à la campagne, le huis-clos étouffant d'un village et l'absence de perspectives... Quant au dessin, si l'auteur aime son style, le qualifiant lui-même de « naïf » tout en ayant l'air de s'excuser, on lui préférera ces termes : neutre, simple et efficace, peut-être un peu raide dans l'émotion. Au final, une histoire intimiste à la fois dure, pudique et réservée, tantôt violente, tantôt délicate, pour une lecture tout à fait plaisante. Rendez-vous est donc pris pour la suite, L'Automne 79...