L'histoire :
Vera est née le 31 janvier 1985. Elle a un grand frère, un père qui partage son temps entre le travail dans une pharmacie le jour, et en tant que peintre du bâtiment la nuit, et une mère atteinte d'une maladie mentale. Sa mère, Adela, est diagnostiquée en 2000 par un médecin psychiatre : « En 1985, on lui diagnostique une jalousie pathologique et sa personnalité prémorbide révèle une forte tendance paranoïaque. Hypersensible, méfiante, sévère, avec un sentiment exacerbé du ridicule, têtue avec des jugements rigides et peu de sens de l'humour. » Rien que ça. Vera se remémore l'un de ses premiers souvenirs, alors qu'elle avait quatre ans. Son père la dépose avec sa mère devant une maison qui semble inhabitée. Une vieille femme leur ouvre et les fait descendre à la cave, où l'odeur de l'encens envahit ses narines. Dans une ambiance oppressante, la rebouteuse tente d'exorciser les maux de la jeune fille, malade depuis des semaines sans que personne n'arrive à poser de diagnostic. Malheureusement, cette technique miraculeuse ne fonctionne pas sur Vera, son état empire, elle est hospitalisée. On lui diagnostique la tuberculose. C'est à ce moment-là que Vera trouve que sa maman a quelque chose de bizarre. Elle est angoissée en permanence, elle a mal à la tête, elle reste au lit pendant des heures, elle tremble et elle dit qu'un démon a pris possession de son corps. Vera doit grandir dans cette famille, avec cette mère malade qu'elle tente d'aider comme elle le peut...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Des maux à dire, l'espagnole Beatriz Lema obtient le prix du public France télévision lors du Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême 2024. Son roman graphique a de quoi interpeller. Déjà, par son apparence : la couverture est réalisée en broderie. Le lecteur en trouvera d'autres lors de la lecture. Ces graphismes atypiques sont complétés par des dessins enfantins, naïfs, réalisés au feutre, parfois en couleur, parfois en noir et blanc. Le personnage central de Vera ne semble pas évoluer. Il ne grandit pas à travers les pages, comme s'il était coincé dans une situation. En effet, la maladie mentale de sa mère l'empêche d'avancer. Si au début, Vera accepte la réalité de sa maman, elle va comprendre au fur et à mesure que quelque chose ne va pas, que sa réalité n'est pas normale. Et elle va essayer de s'en affranchir, tout en accompagnant sa maman du mieux qu'elle le peut, avec tout l'amour qu'elle lui porte. Le récit est dur. On sent toute la détresse de cette enfant qui fait face aux délires imposés par sa mère, qui accuse son mari de tromperie ou son fils d'être un drogué ; ou encore son voisin d'être possédé par le diable. Elle est l'une des seules bouées de sauvetage sur laquelle peut compter sa maman. Des rapports médicaux sont également inclus dans le récit, permettant de poser un regard externe et expert sur la santé mentale d'Adela. Ce roman graphique impactant se distingue par son originalité graphique et par la force de son propos.