L'histoire :
Un vieil homme et un plus jeune sont en chemin pour un endroit où l'on n'entend presque plus rien. En effet, la poussière dans le vent ne fait pas beaucoup de bruit. Un lapin dort, le sable le fouette et il ne bouge pas. A l'orée du bois, le vieil homme croit entendre quelqu'un respirer. Il y a en effet un cavalier à cheval sur le chemin. En approchant, ils les trouvent endormis, tous deux en uniformes d'apparat. Un peu plus loin, dans le parc Sopeaux, deux enfants dorment dans la nacelle d'une balançoire. C'est étrange, ça souffle, ça ronfle, tout un monde qui se dégonfle. Au début, on les aurait cru morts, mais non, ils dorment tous. Evidemment, c'est bien tranquille et c'est plutôt beau, mais ça manque de quelque chose, quelque chose que ces deux là, sur le banc, devraient exprimer... mais non. Et c'est ainsi depuis 100 ans. Ça fait beaucoup quand même !
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
La poésie et la BD ne font pas souvent bon ménage et quand c'est le cas l'adaptation est subjective. Avec Le bois dormait et son format à contempler (34x30cm) on entre pourtant de plein-pied dans la poésie bédéssinée. De superbes planches au service d'un texte questionnant et ouvert, un dessin maîtrisé au service d'une histoire qui aborde avec délicatesse un grand travers de la société, c'est réellement de la poésie en image. La palette de couleurs chaudes, les décors bien réalisés, le style art déco, des costumes et des postures d'endormis fantastiques pour des scènes imaginatives, tour à tour chargées de tendresse et d'humour, c'est un bel album. La beauté exprimée par Rébecca Dautremer pourrait être le symbole des valeurs d'aujourd'hui : tout dans l'apparence et plus rien dans les tripes. Le marketing a remplacé la politique, l'argent a gommé tout bon sens et le peuple s'est laissé bercer jusqu'au sommeil permanent. Même les amoureux sont sans vie, devenus des produits de consommation ou des consommateurs ; et vice-versa. La torpeur dans laquelle la société est plongée depuis cent ans a besoin d'un prince charmant pour l'en sortir. Mais le baiser tant attendu se fait désirer et elle s'enfonce dans un sommeil proche du coma. Le message est clair, rehaussé en permanence par des clins d'œil dédiés à Morphée depuis le nom du parc Sopeaux jusqu'aux affiches pour un match de boxe. Mais qui est le prince ? Mystère... dévoilé dans un dénouement subtil, évanescent, un rêve quoi, celui que l'on traverse en parcourant cet album unique et inspiré.