L'histoire :
Dès sa naissance, Armand Augustin Louis de Caulaincourt fait le bonheur de ses parents. Vif, intelligent, endurant, jamais malade, il a en outre une grande appétence pour la culture militaire. Il consacre ses études à l’art de la guerre et se montre un chef respecté à l’académie qu’il intègre ensuite. Mais le plus étonnant, c’est que Caulaincourt est un incroyable trompe-la-mort. Il se sort brillamment de toutes les situations, même les plus dangereuses – incendies, épidémies, noyades, batailles, révolutions... Cette baraka et son expérience lui valent d’être un jour présenté à Napoléon Bonaparte par le maréchal Ney.en 1804, Napoléon le nomme même colonel. Il œuvre alors dans de nombreux pays en tant que diplomate, au service du Premier Empire. En septembre 1812, Napoléon l’appelle à le rejoindre à Moscou, où il a emmené la Grande Armée. Après avoir pris la ville sans difficulté, Napoléon songe à faire se replier la Grande Armée vers la France… en dépit des rigueurs promises par l’hiver qui arrive. Caulaincourt rejoint l’avis de Ney : ce serait folie, les troupes ne tiendront jamais le coup. Mais Napoléon n’écoute que lui. Il décide de se replier tout de même jusqu’en Pologne. Il craint que l’Angleterre ne s’allie à la Russie. Il veut revoir la France. Il a d’autres projets pour l’Europe…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Jean-Baptiste Bourgois livre là une bande dessinée aussi épaisse qu’originale. C’est l’histoire réécrite d’un officier supérieur de Napoléon qui s’oppose à l’hégémonie démentielle de l’empereur, au point de vouloir le tuer (dans la BD, pas dans la réalité). Armand Augustin Louis de Caulaincourt a en effet authentiquement existé et il était ambassadeur en Russie et même ami avec le Tsar Alexandre 1er, avant l’invasion de la Grande Armée. Chargé de négocier la paix, toujours en faveur d’une solution diplomatique, il fut l’un des plus proches confidents et conseillers de Napoléon, durant toute la campagne de Russie. Pour autant, le récit de Bourgois n’est pas vraiment historique, mais plus proche de la parabole, voire de l’uchronie. De grandes libertés sont en effet prises avec la réalité historique ; et surtout des éléments fantastiques font leur incursion, sous forme de monstres métaphoriques, représentant une armée polymorphe qui s’auto-phagocyte sous le poids de ses dimensions plurielles. Pour autant, la catastrophique retraite de Russie se réduit, au sein du récit, à des pérégrinations fantaisistes et campagnardes entre Napoléon, Caulaincourt, un grognard et une éclaireuse. Avant que cela tourne au délire quasi onirique, avec des monstres partout. A vrai dire, on peine à saisir l’entièreté du propos et de la démarche. On profite tout de même d’une autre originalité : le graphisme, à base de petits personnages dessinés de manière stylisée et fine, façon Sempé, dans de grandes pages. Le découpage se passe de bordures de case, mais aussi de phylactères : les dialogues sont en-dessous, en légende. Et très souvent, les personnages demeurent tout aussi petits, mais au sein d’un environnement magistral, sur double pages, où une nature ou une ruine luxuriante, voire de larges mouvements de troupes, permettent de jouer à Où est Charlie pour trouver nos protagonistes. On peut comparer ce one-shot avec ce que fait Stanislas Moussé (Longue vie, Le fils du roi), notamment pour la finesse du dessin en noir et blanc, la distance avec de petits personnages stylisés et surtout la propension à savoir aborder avec une singulière légèreté des évènements graves ; mais les registres graphique et narratif ne sont pas exactement les mêmes. Là où Moussé remplit méthodiquement ses planches, Bourgois tend à l’épure. C’est frais et original, à défaut d’être pleinement convaincant.