L'histoire :
Lindley s’est installé depuis peu au bord d’une route départementale. Propriétaire d’une baraque à frites, il vend des sandwichs, des sodas ou des cafés à des touristes de passage, et rencontre une faune aussi bigarrée que passionnante : ici un couple près de ses sous, là un travailleur de la route dont l’espérance de vie est évaluée à 20 minutes en moyenne et plus loin, des ouvriers italiens passés prendre un café au moment de leur pause. Quand les visiteurs se font rares, Lindley observe la nature, les animaux, flâne et repense à son passé douloureux, hanté par la figure féminine de Blanche. Angoissé par les moments de repos, le temps libre, Lindley cherche à fuir ce passé qui ne passe. Cette baraque à frites, c’est sa bouée de sauvetage, l’ultime espoir d’une vie désormais habitée par le deuil. Le soir venu, Lindley se perd dans des rêves ou des songes ponctués d’insomnies. Un beau jour, un accident de la route vient bousculer cette douce routine : percuté par un sanglier, un automobiliste a fini sa course dans un platane, à quelques mètres du camion à frites. La personne est morte. Les mauvaises langues y voient là un coup de pouce du destin : les affaires de Lindley vont prendre un coup de fouet. Mais ce tragique et absurde accident rappelle surtout Lindley à ses fantômes et le confronte à son expérience, de manière frontale… En quête d’identité et face à un destin qui s’offre à lui, Lindley a choisi un coin paumé pour faire le bilan.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Avec Sorties de route, le jeune auteur Cyrille Pomès livre une chronique douce-amère et intimiste, narrant le quotidien de personnages confrontés à leurs propres démons. Avec un pitch d’une simplicité déconcertante en prise avec le réel le plus terre-à-terre (une baraque à frites en bord de route, puis un accident de voiture !), l’auteur réussit néanmoins à nous faire partager la routine d’un homme qui fuit ce qu’il ne peut affronter : la perte d’un être cher et l’impossibilité de faire le deuil. Des limbes de la routine matérialisés par la voix-off de la radio en fond sonore, les discussions de touristes ou les commandes, le récit s’envole ensuite dans les rêves torturés et tortueux du malheureux Lindley. Résultat : l’homme ne cesse d’être hanté par son passé, par la mort et une femme impossible à oublier, Blanche. La nuit, les silences et la solitude angoissent Lindley tandis que les insomnies le ramènent vite à la réalité. Auteur complet, Cyrille Pomès tente ici de matérialiser un univers mental pour restituer une expérience, avec une sensibilité d’où il affleure une belle poésie du quotidien. Le lecteur partage alors la vie de Lindley, ses doutes, ses angoisses et son quotidien avec empathie. Graphiquement, la BD est superbe. Utilisant un crayon gras et épais dont il brosse l’effet, Pomès plonge son récit dans des ambiances aussi suggestives que variées, inquiétantes, réalistes ou oniriques, entre rêve et souvenir, évocation et songe… Du beau travail et une BD qui remplit son contrat avec aisance, celui d’offrir un répit bienvenu, libérant, un temps, de la fièvre quotidienne. Sous la forme d'un huis-clos à ciel ouvert, un joli petit livre qui ouvre à l’introspection.