L'histoire :
Au début de l’année 1891, le peintre parisien Paul Gauguin fête son expatriation imminente sur Tahiti, au café Voltaire, en noble compagnie – Stéphane Mallarmé, Emile Bernard, Emile Schuffenecker, Edgar Degas. Il pense que la lumière de là-bas lui permettra de trouver une peinture moderne et inventive, ainsi que l’inspiration qui le fuit. Il tourne aussi la page de Madeleine (la sœur d’Emile Bernard), désormais fiancée à Charles Laval, confrère devenu rival. En juin, il débarque à Papeete. Le gouverneur de l’île l’accueille bras ouverts : si son inspiration transparait effectivement dans les peintures qu’il vendra en métropole, ce sera une promotion inouïe pour son île. Gauguin commence par faire couper ses cheveux longs : les autochtones se moquent de cette mode qui le fait passer pour une femme. Le peintre veut réellement s’immerger dans la culture locale et fuit le cercle des officiers et des colons. Ce qu’il aimerait par-dessus tout, c’est trouver et peindre des « tikis », ces statuettes en pierre typiques. Pour cela, Gauguin s’éloigne de Papeete pour s’enfoncer dans les districts. Il installe son atelier chez Anani, un sympathique tahitien et se met au mode de vie local. Il bêche son coin de terre, fait des croquis et cherche à convaincre des jeunes femmes à poser pour lui, poitrine découverte…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
En sus de la science-fiction, Li-An a une autre thématique de prédilection : l’insularité. Rien de plus normal pour ce tahitien, qui livre ici pour la première fois un récit se déroulant sur son île pacifique d’origine. Sa « sorte de » biographie du peintre Paul Gauguin emprunte alors une voie étonnante, entre portrait d’une personnalité authentique et évènements fictifs. C'est-à-dire qu’on retrouve le personnage et son contexte, bien réels, au moment de son voyage vers des latitudes exotiques. Fuyant le matérialisme et les aspects artificiels de l’occident, Gauguin s’y expatrie en effet en 1891, afin d’y trouver inspiration et lumière différentes. En revanche, l’aventure qui occupe la seconde partie de l’album, avec une lutte contre des trafiquants d’arme, est largement romancée et rocambolesque. Gauguin se battra effectivement pour les indigènes, mais sur les îles marquises, et il mourut tout à fait différemment que ne le présente Li-An. Peu importe, il s’agit d’une vue de l’esprit et le préfacier Jean-François Staszak, spécialiste de Gauguin, reconnaît à cette extrapolation le mérite d’être en phase avec la personnalité du peintre. L’idée de ne pas représenter Gauguin sous une facette héroïque ou manichéenne est également appréciable, car visiblement il n’a pas laissé un grand souvenir dans la mémoire des tahitiens. Parfaitement rythmé et cadré, le dessin se situe quant à lui à mi-chemin de la nouvelle BD et d’un semi-réalisme plus classique. Un exercice intéressant et original…