L'histoire :
Annie Sullivan est une orpheline de Boston au caractère bien trempé. Elle a fait toute sa scolarité à l’institut Perkins, car elle était presque aveugle à la naissance. Après quelques opérations, Annie a recouvré la vue. Le directeur Mr Anagnos apprécie beaucoup Annie, malgré son caractère impertinent, et lui donne un travail : elle sera préceptrice d’une jeune enfant sourde et aveugle, Helen Keller. Annie intègre donc le quotidien de la famille Keller, mais les débuts avec Helen sont très difficiles. L’enfant est rebelle et ne communique pas du tout. Annie tente de lui apprendre un langage particulier avec les mains et une technique simple : pour obtenir un objet, Helen doit l’épeler avec ses doigts. Cependant, l’évolution est lente et difficile. Helen est souvent sujette à des crises de colère fortes. Annie doit faire preuve de discipline et d'opiniâtreté, tout en gagnant la confiance de l'enfant. Un défi d’autant plus difficile que la préceptrice est elle-même fragile et peu équilibrée. Annie comprend alors qu’elle doit s’isoler avec Helen, car l’enfant obtient trop facilement ce qu’elle veut de ses parents, ce qui entrave son éducation. En se mettant à l’écart, Annie pourra plus facilement contrôler Helen.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’histoire incroyable d’Annie Sullivan et d’Helen Keller est une histoire vraie qui a été de nombreuses fois racontée en livres, puis en films. La bande dessinée s’attaque donc à une véritable légende américaine. L’album est dense puisqu'il s'appuie sur un gaufrier régulier de 16 cases par planche, sur 86 pages. Et le sujet est ambitieux : il s’attache à montrer l’éducation improbable d’une sourde aveugle par une orpheline elle aussi quasi aveugle ! Les étapes d’apprentissage sont des grands moments de l’histoire et sont également authentiques : Annie tente le tout pour le tout afin de communiquer avec Helen et invente même un langage qui se base sur le toucher. Helen étant à la fois sourde et aveugle, le langage des signes ne suffit pas : les deux filles vont alors communiquer en se touchant les mains au rythme des lettres et des mots utiles. Dès lors, Helen Keller est presque née une deuxième fois : elle passe de l’état sauvage (on la voit régulièrement exploser de rage) à l’état « civilisé ». L’enfant progresse si rapidement qu’elle finit même par écrire un conte ! Il faut noter qu’Helen Keller écrira des livres, bien plus tard. Cette étonnante transformation est superbement racontée par Joseph Lambert. Sur un rythme lent mais très réaliste, on suit pas à pas l’éducation impossible menée par Annie Sullivan. Le dessin est certes peu attrayant de prime abord, mais Lambert joue avec les partis-pris graphiques de façon habile et émouvante. Ainsi, on bascule parfois dans la tête d’Helen et le dessin se fait alors sombre, comme un cliché en négatif. Ces moments d'introspection d’une enfant aveugle sont particulièrement touchants et paradoxalement expressifs. C’est toute la force et la signification de cet album : malgré ses handicaps terribles, Helen va découvrir le langage et s’ouvrir aux connaissances dans une soif de découverte inextinguible. Au-delà de cette expérience hors norme, c’est aussi l’histoire d’une amitié magnifique entre une perceptrice démolie par la vie et une enfant handicapée. Leur rapport complexe est parfaitement décrit, sans exagération ni faux-semblant. Les personnages (et notamment Anagnos) sont touchants de réalisme et de sensibilité. Une histoire vraie, totalement incroyable et racontée avec simplicité et beauté.