L'histoire :
Bonjour. Il va bientôt faire sombre : vous devriez venir avec moi. L'homme qui me fait face est manchot. Son bras droit a été sectionné un peu au dessus du coude et son moignon est entièrement bandé. Comme tout le monde, il porte des haillons Il a aussi un sac en bandoulière. Entrez, fermez bien la trappe quand vous serez à l'intérieur. Je le suis dans un souterrain qui mène à une grotte qu'il a aménagée. Là, il me propose à boire et me dit que je peux me servir dans son garde-manger. Il sort un drap et me désigne «la chambre» où je vais pouvoir me reposer. Puis il sort, en me disant qu'il prend le premier tour de garde... Ce n'est que le lendemain que je me réveille. Je sors de l'abri, il me salue et ajoute qu'il n'aurait pas dû me laisser dormir mais que j'avais l'air d'en avoir vraiment besoin. Soudain, il sort un flingue et tire deux cartouches. Il a l'air soulagé en disant que ce n'est pas passé loin...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Si Brian Ralph n'est pas vraiment connu en France, il a été nominé en 1999 aux Eisner Awards, pour son premier roman graphique (Cave in, non publié en France). Delcourt nous propose aujourd'hui Daybrak, qui date en fait de 2006. Et le petit sticker «une série originale Netflix» lui donne une visibilité qui peut susciter l'intérêt dans les rayonnages des libraires. Hélas, sa lecture est loin de nous avoir convaincus. Le contexte est apocalyptique, une sorte de Mad Max avec des décors minimalistes. Pas de ville, mais un no man's land fait de carcasses de véhicules et d'abris de fortune, comme des grottes. La narration surprend dans un premier temps car le personnage principal s'adresse au lecteur, qui se trouve ainsi en vue subjective. La conséquence, c'est qu'il n'y a pas de dialogue, mais plutôt un monologue tenu par ce manchot, figure de la rencontre providentielle. Le lecteur devient ainsi le témoin direct de sa course quotidienne à la survie. Car le danger est partout et toujours suggéré, sous la forme de morts-vivants qu'on ne distingue jamais intégralement : ou ils sont hors-champ ou on n'en voit que le bras ayant passé l'encadrement d'une porte qui se rabat sur lui... Donc la forme narrative est incontestablement originale mais elle finit par s'essouffler. Si Brian Ralph la maîtrise totalement (il est professeur de bande dessinée au Savannah Collège d'Art et de design), avec son noir et blanc minimaliste et son Cross Hatching, ce récit à mi-chemin entre graphic novel et récit d'horreur tire excessivement en longueur. La forme lui donne un aspect étrange, mais côté tension, ça ne fonctionne pas. Le monologue intrigue mais son écriture manque de dramaturgie. Et pour l'aspect roman graphique, ça sonne creux car le cycle est excessivement simple : fuir, se réfugier, une rencontre inquiétante et la mort qui tombe. Clap de fin. Donc pour résumer, l'exercice de style est intéressant, mais ce qu'il raconte ne l'est pas.