L'histoire :
Mère célibataire et infirmière à plein temps à l’hôpital de Maui, sur l’archipel d’Hawaï, Charlène s’occupe aussi de son vieux père grabataire. Elle est souvent en retard, débordée, et elle assume néanmoins tout ce qu’elle peut sans moufter. Son fiston Brandon est souvent livré à lui-même. Il s’occupe comme il peut, il regarde des dessins animés à la télé en mangeant des chips ou des tartines de beurre de cacahuètes, et joue avec son chat, Batman. Un matin, alors que Charlène prépare des tartines pour Brandon, le grand-père essaie d’aller aux toilettes tout seul. Brandon lui ouvre la porte, mais le grand-père reste impavide devant. Le temps que le gamin prévienne sa mère, qu’elle lui dise de nettoyer son T-shirt et qu’elle s’aperçoive qu’elle est en retard, et le grand-père est tombé raide mort. Quand il entend le cri de sa mère, Brandon croit qu’elle a vu la tâche de beurre de cacahuètes sur le tapis. Il court se cacher dans le bateau, entreposé sur une remorque, dans le jardin. Quelques jours plus tard, le grand-père est incinéré. La mère récupère l’urne avec les cendres sans ciller. Elle l’entrepose sous l’évier de la cuisine, avec les produits d’entretien. Puis elle démissionne et s’enferme dans le travail pour passer un diplôme de médecin. Brandon se retrouve encore plus seul que d’habitude. Sa mère lui parle à peine, elle ne gère quasiment plus les contingences quotidiennes. Brandon fait le ménage, traite les papiers en les jetant à la poubelle… Jusqu'à ce que Batman disparaisse et que son oncle Robbie, musicien marginal en tournée, débarque et prenne conscience de l’ingérence de Charlène…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
L’américain R. Kikuo Johnson livre ici une étonnante chronique familiale et contemporaine se déroulant sur une des îles de l’archipel d’Hawaï. Dans un petit format à l’italienne et au travers d’un trait réaliste en bichromie (une grosse majorité de bleu-gros rehaussé par quelques teintes d’orange), nous découvrons le quotidien tragi-comique d’une famille monoparentale. Tragique car ça commence par un mort, à la suite de quoi chacun se retrouve enfermé dans une forme de solitude, choisie ou subie. On ne sait d’ailleurs pas précisément lequel des trois protagonistes principaux souffre le plus de la solitude, et c’est pourquoi il y a pluriel dans le titre. Comique, parce l’auteur parvient, avec une étonnante sensibilité, à glisser des petites truculences du quotidien, qui ajoutent de la légèreté et soulagent le propos de tout pathos. C’est les cendres sous l’évier, les noddles sur l’ordi, un autocollant agaçant sur une voiture, les souvenirs des frasques du père en flashback… Brandon, Charlène et Robbie, les trois protagonistes majeurs, sont terriblement attachants, à travers leurs petits travers, l’expression diverse de leur courage, leurs lubies. Car chacun est obnubilé par une approche entière et néanmoins différente de la vie. Cette proximité des attitudes, alors que cette histoire se déroule sur une île du bout du monde, fait tout le sel de ce roman graphique doux-amer.
