L'histoire :
Un jour, la grand-mère de GB décède. L’occasion pour lui de se rendre avec ses parents au Vietnam, un pays qu’il ne connaît guère, lui le citoyen américain. Cette plongée dans le pays de sa famille va sonner comme la prise de conscience d’un nouveau départ. Indifférent au passé familial, cette phrase prononcée par sa mère va pourtant agir comme un électrochoc : « Tu as l’âge de ton père quand nous avons fui le Vietnam ». Ce retour aux sources va permettre à GB de recomposer le puzzle familial et de reconstituer une mémoire souvent douloureuse au regard du chemin balbutiant emprunté par son pays : l’occupation japonaise en Indochine en 1940, la fondation du Viet-Minh, la guerre d’Indochine contre les Français de 1946 à 1954 et évidemment la guerre du Vietnam contre les Américains jusqu’en 1973 prolongée par la guerre civile entre le Nord et le Sud dans le contexte de la guerre froide. C’est d’ailleurs en 1974, alors que le pays est déchiré et que les Américains sont partis, que le père de GB a fui le Vietnam comme des milliers de boat-people pour rejoindre les Etats-Unis et entamer une nouvelle vie, loin des persécutions du Vietcong. Peu de temps aussi avant la réunification du pays, lorsque l’armée du Nord pénètre dans Saïgon. 20 ans d’exil, 20 ans d’une saga familiale à recomposer pour GB, histoire de comprendre enfin son père…Retraçant le parcours d'une famille, GB Tran s’engage sur un chemin d’autant plus douloureux qu’il l’a longtemps refoulé.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Dans cet intéressant roman graphique, GB part en quête de ses racines familiales pour mieux se connaitre lui-même et ses parents. D’abord éparses, fragmentés, disloqués, les morceaux de vie vont peu à peu être rassemblés et recousus par l’auteur pour aboutir à une toile uniforme mais parcellaire, à l’image d’un puzzle de 10 000 pièces auquel il en manquerait une centaine. Suffisant peut-être pour GB Tran pour au moins tenter de comprendre l’essentiel : savoir d’où il vient et apprendre à vivre au présent avec ces nouveaux codes dans son pays d’adoption, les Etats-Unis. Fait d’allers-retours entre les Etats-Unis et le Vietnam, dotant chaque récit d’une palette de couleurs et d’un style graphique particulier, la BD donne à voir une famille éclatée ou dispersée par les aléas de l’histoire, la guerre le plus souvent, qui se recompose doucement au fil de la lecture. Évidemment, il nécessitera un effort de la part du lecteur, le même que celui qui a poussé GB Tran à écrire ce roman, car c’est décousu et sans réelle logique chronologique, à l’instar d’une mémoire qui sélectionne et occulte plus ou moins volontairement les faits. Résultat, on se perd un peu au milieu des générations et des événements. Travail sur le souvenir et l’héritage, l’auteur reconstitue subjectivement la mosaïque familiale en confrontant les destins particuliers d’individus et l’Histoire collective pour s'approprier une mémoire et comprendre qui il est, histoire de vérifier l'adage de Confucius selon lequel "un homme sans histoire est un arbre sans racines". Cohérent dans le fond et la forme, doté d’un joli rendu graphique, voilà un livre exigeant qui mérite néanmoins le détour.
