L'histoire :
La conservatrice du Black Museum accueille un vieil homme qui a demandé à voir une pièce bien particulière de la collection : deux balles qui ont fusionné ensemble après s’être entrechoquées sur un champ de bataille. Mais elles ont surtout une autre particularité : elles ont été abandonnées sur un siège du théâtre royal de Drury Lane à Londres par... un fantôme ! En échange d’une faveur, le vieil homme propose à la conservatrice de lui raconter toute l’histoire de ces balles fusionnées. Lorsque la jeune femme accepte, un fantôme sort alors du corps inanimé du vieillard. Il s’agit de Grey, ni plus ni moins que le fantôme qui hantait le théâtre de Drury Lane. Mais la conservatrice en a vu d’autres avec son métier, et elle se montre plutôt pressée de se voir raconter l’histoire. Grey s’exécute et lui narre alors sa rencontre avec Florence Nightingale alors que son existence de fantôme commençait à lui paraître ennuyeuse. La jeune fille était venue pour le rencontrer au théâtre pour lui demander de bien vouloir mettre fin à ses jours. Dotée du pouvoir de voir les esprits, notamment les monstres que tout un chacun porte sur ses épaules, nourris aux sentiments les plus néfastes, Florence ne pouvait en effet plus supporter la laideur du monde et des gens le constituant. Voulant vouer sa vie à aider son prochain, sa condition de fille de bonne famille la tenait pourtant emprisonnée dans le carcan doré des conventions sociales et de la place qu’elle était censée y tenir sans pouvoir rien espérer d’autre. Cette frustration nourrissait son propre monstre qui s’attaquait ensuite à la jeune femme, la faisant souffrir mentalement et physiquement à en devenir presque folle. Mais devant une telle situation, Grey vit l’opportunité de vivre une histoire digne des plus grandes tragédies théâtrales qu’il appréciait tant. Refusant de simplement tuer Florence, il lui promit plutôt de mettre fin à ses jours quand il le déciderait, seulement lorsqu’il estimerait que la jeune femme aura atteint le paroxysme du désespoir. En attendant, il l’accompagnera partout. Mais ce qu’il n’avait pas prévu alors, c’est ce que ce pacte allait justement permettre à Florence de s’émanciper et de connaître une destinée hors du commun...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Deuxième titre dans la série des « Black Museum » de Kazuhiro Fujita (Moonlight Act...) après Springald, ce Ghost & Lady nous propose cette fois selon le même concept (mais en deux gros volets au lieu d’un seul) de suivre l’histoire d’un autre personnage célèbre de l’époque victorienne, Florence Nightingale. C’est un fantôme, Grey, qui nous la narre : venu visiter le Black Museum de Londres et voir sa conservatrice, l’ectoplasme raconte comment il a rencontré puis accompagné Florence pendant la partie la plus tumultueuse de sa vie. Grand fan de théâtre, Grey a en effet été subjugué par le potentiel dramatique de Florence, jeune femme pure mais pouvant voir les spectres - ce qui l’a rendue névrosée, le jour où cette dernière est venue lui demander de mettre fin à ses jours. S’il accède à sa requête, c’est en échange du droit de tuer la jeune femme quand il le choisira, au moment où elle sera accablée du plus profond désespoir, comme dans les plus grands drames théâtraux qu’il affectionne tant. Seulement, une fois le pacte passé, le moment opportun semble ne jamais devoir venir... On suit dès lors le parcours incroyable de Florence, lié à celui de son fantôme qui, quand il n’intervient pas pour l’aider, amène de son côté son lot de problèmes. Au fur et à mesure, on découvre également le passé de Grey, passé qu’il avait d’ailleurs lui-même oublié en partie... Tout comme dans le précédent opus du Black Museum, on plonge très facilement dans l’ambiance de l’époque, que l’auteur sait bien ne pas rendre glamour du tout en n’oblitérant jamais le côté très cru de la réalité de l’époque (saleté, violence, précarité, cruauté...). Si la tension n’est pas très présente au début, on finit malgré tout d’adhérer au récit au bout de 3 ou 4 chapitres (sur 13, le tome faisant tout de même un bon 300 pages), et les amateurs apprécieront le trait toujours aussi particulier et expressif de l’auteur (à défaut d’être très « carré » et académique), tremblotant par exemple lorsqu’il exprime la tristesse. Les planches alternent entre le parfois assez simple et le très détaillé, la mise en scène de l’auteur est travaillée, et on apprécie la manie qu’il a trouvée pour son personnage principal de tout le temps citer des tirades issues de pièces de théâtre (de Shakespeare). Bref, le style du mangaka colle très bien à ce type de récit sombre et un peu différent. Au passage, on notera la jolie couverture à dorures, qui rappelle les ouvrages classiques d’antan et qui rend très bien. En résumé, qu’on n’aime ou pas le style spécial du dessinateur, Ghost & lady saura convaincre plus d’un amateur, voire peut-être même donner envie de (re)lire (et de citer !) du Shakespeare, dont une phrase célèbre sied d’ailleurs parfaitement au présent récit : « Le monde entier est une scène, et tous les hommes et les femmes n'en sont que les acteurs » - Comme il vous plaira, Acte II, scène 7.