L'histoire :
Il pensait trouver au fond de la caverne du démon le bout du chemin. Finalement, l’homme qui s’avance nu, mutilé au visage, amputé du bras droit, découvre les corps gisant d’un oiseau monstrueux étêté et d’un jeune samouraï qu’il ne connaît que trop bien. Car le combat qui eut lieu, il le connaît aussi. La façon dont le démon lui a arraché son membre, lacéré la face, avant que dans un sursaut rageur il parvienne, du mauvais bras, à décapiter le volatil ! Ce combattant exténué c’est lui. Ce guerrier qui lui reproche son silence ignore encore le parcours qui lui reste à faire. La voir du Tengu est désormais la sienne et alors qu’il se baigne dans le sang du démon, son alter ego passé perd lui pied et se voit précipité dans les abîmes du temps. Lorsqu’il se réveille, le ronin gît au centre d’une prairie, entouré de cinq soldats armés de fusils. Il apprend de la bouche du capitaine que la bataille est terminée. A la vue de ses blessures, ils le laissent aller. Le ronin se met donc en route. Adossé à un arbre agonisant, il trouve un autre samouraï qui le supplie d’abréger ses souffrances. Le jeune homme s’exécute et recueille les armes magnifiques du défunt, cela selon son souhait. Manquant un peu plus loin d’être écrasé par un camion, le doute n’est plus permis : notre héros s’est égaré dans les méandres du temps…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ah, tripoter les fils du temps est l’un des exercices des plus faciles et difficiles à la fois ! Narrativement, c’est souvent très payant, ajoutant du sel et de la profondeur à l’intrigue ; scénario parlant, c’est vraiment casse-gueule pour peu que l’on tombe sur un lecteur pointilleux. Néanmoins le paradoxe temporel n’ayant encore jamais été expérimenté, bien malin qui serait dire qui de la poule ou de l’œuf est arrivé en premier… Quoi qu’il en soit, à ce petit jeu la « voix du Tengu » s’en sort plutôt (très) bien. De surcroît, alors que la boucle amorcée d’entrée par ce deuxième tome semble pouvoir courir sur loin, l’astucieux Nikolavitch la referme d’une volée ! (Comprenez en un album). Ronin s’inscrit bien sûr dans la droite lignée de son aîné prometteur et, de surcroît, gagne assurément encore en épaisseur. Lové sur lui-même, cet opus pourrait presque se suffire seul… et la quête du démon garder tout son mystère. Le trait de Rosseto comme l’histoire contée allie en effet clarté et force. La figuration réaliste cache une lecture à multiples niveaux. Pour faire court, la fable fantastique est pour sûr plus initiatique que de tuer un méchant poulet, quand bien même monstrueux. Trouver sa voix est assurément très différent de trouver son chemin. La notion de démon est à relativiser à l’aune du cheminement et des peurs de chacun. En résumé, cette série offre des qualités indéniables et va croissant. Acceptez simplement de « commencer par mourir »…