L'histoire :
Sur les routes enneigées de la Corée du Sud, Madang et sa petite famille arrivent à Paju, une grande ville proche de la frontière, pour y emménager et entamer une nouvelle vie qui pèsera moins sur leurs économies. Une fois devant leur nouveau foyer, alors qu’ils se demandent encore s’ils ont suffisamment cherché, madame est aux anges devant ce nouveau nid d’amour. L’emménagement se fait dans la bonne humeur quand Chang-Dong et sa femme arrivent pour voir la nouvelle maison. En cherchant à se garer, il arrache l’avant de la voiture que sa mère vient tout juste de s’offrir. La visite amicale est donc vite interrompue par l’arrivée de la dépanneuse qui les ramènera chez eux. Philosophe, Chang-Dong dit qu’il reviendra une autre fois ! Finalement, l’installation se déroule sans encombre et la petite famille peut profiter de l’hiver bien au chaud. Papa fait des photos du petit Iwan, 6 mois, concentré de bonheur pour parents comblés. Seule ombre au tableau : une souris a élu domicile dans la toiture et déclenche quelques frayeurs et cris dans le paisible foyer. Madang goûte le bonheur de sa nouvelle vie, même quand il revient en véritable bonhomme enneigé d’avoir fait quelques courses au lointain centre-ville. Il ramène le repas du soir, bien sûr, mais aussi une armada de pièges à souris pour en finir avec l’intruse qui continue de troubler les soirées en famille...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Comment décrire cette expérience particulière qu’est Le goût du Kimchi ? Il viendrait presque en bouche la saveur de ce plat coréen. Avec un graphisme qui porte en lui la bienveillance mise dans cette œuvre, ce morceau de vie contemporaine à la mode coréenne est un message à l’attention de tous. Sur un scénario qui ne paye pas de mine - le quotidien d’une famille de la classe moyenne sud-coréenne - c’est un peu de notre vie occidentale qui s’écoule devant nos yeux. Avec la distance géographique qui déplace le décor juste en dessous de la frontière de la Corée du Nord, l’album s’aborde avec un recul naturel. Pourtant Madang et sa petite famille sont confrontés une réalité universelle : dans la vie, nécessité fait loi et ceux qui disent qu’ils n’ont pas de regrets sont une belle bande de menteurs. Le décalage induit d’emblée par la voiture qui survole la route, suggère une sensation bizarrement attachante dès les premières planches. Les bonnes bouilles des parents et de leur fils participent aussi de cet attrait instantané, simple et profond, comme la morale de cette histoire profondément simple. La poésie des décors, l’expressivité des personnages, la société de consommation en toile de fond, la famille au premier plan, les petits bobos de la vie, la vieillesse et les traditions familiales happent complètement l’attention du lecteur, qu’il soit d’ici ou d’ailleurs. Le choix anthropomorphique ajoute à l’intention de Yeou-sik Hong de s’affranchir des à priori ethnologiques et même traditionnels. Parce que le kimchi évoqué ici est autant la choucroute de la mamie alsacienne que le cassoulet de la mamie toulousaine ou les doubitchous de la mamie de monsieur Prescovitch du Père Noël est une ordure. La recette se transmet de génération en génération avec cette attention particulière qui se porte sur le goût que l’on souhaite préserver intact, parce que c’est notre madeleine de Proust. La légèreté abordée avec rigueur ou les difficultés traitées avec applications et mesure n’empêcheront pas quelques douleurs. Et ce sont ces mêmes douleurs qui donnent un sens à tout ça. Tel est le message que délivre cet album subtilement unique.