L'histoire :
Benjamin Digart et Ludovic Parmentier viennent d’être embauchés en même temps au sein de l’agence de pub Génial Advertising… et c’est déjà la bagarre pour savoir auquel des deux appartient le bureau. T-shirt moulant, converses aux pieds, cheveux long dans les yeux, galbes filiformes… pas de doute : ils rivalisent côté fashion positioning. Pour premier « budge », leur boss leur attribue une marque phare de l’agence : Canibon, les croquettes pour chiens. Aussitôt, ils font la check-list des trucs et astuces appris dans leur école pour vendre la came et créer le buzz (2 minutes). Premier hic : il faut toujours commencer par goûter le produit. Deuxième hic, ils tentent de se débarrasser d’un clodo qui squatte leur bureau et s’aperçoivent trop tard qu’il s’agit du grand patron de l’agence. Heureusement, ils l’amadouent en lui refilant des croquettes. Leur premier projet bouclé, ils se présentent au patron… qui les renvoie tout recommencer sans même regarder : « pas besoin de goûter la merde pour savoir que ça en est ». Enfin, après une pure nuit de boulot et de pizzas, ils partent en opération commando chez le client pour tenter de séduire avec leur projet et décrocher le contrat du siècle…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Ce recueil de gags que ne renierait pas Frédéric Beigbeder (ex-publicitaire, reconverti – entre autre – dans le pamphlet publicitaire) écorne avec humour et cynisme le monde de la pub. Pour le synopsis : à partir de briefs flous et de produits de merde, de jeunes créatifs arrogants affrontent des clients féroces et des boss infâmes, en usant de méthodes subtiles et absconses. Au scénario, Jean-Paul Krassinsky décrit un monde bizarre et codifié, truffé de préjugés, d’apparences, de mépris… On sent qu’il a bossé dans le milieu et qu’il a sans doute besoin d’exutoire. Mais dépassez les apparences de cette description alarmante : les situations de ces 80 gags d’une demi-page (ou plus rarement d’une page) sont bien senties et les chutes percutantes. Le fil rouge narratif est d’ailleurs impitoyable : nos héros frimeurs doivent successivement promouvoir des croquettes pour chien (super !), puis des couches-culottes (d’enfer !) et enfin l’image de marque d’Al Qaïda (no comment). Le dessin est assuré par le dénommé « Michelle », qui n’est autre que l’insaisissable dessinateur caméléon Michel Durand (Cuervos !), alias Durandur… Surprise, Michelle délaisse sa splendide patte réaliste, pour emprunter la même ligne graphique stylisée et angulaire que son scénariste quand ce dernier est aux crayons. Et il y ajoute encore une surdose de désarticulation : les personnages prennent des postures outrancières (les vieux cons marchent complètement penchés en avant ; les jeunes cons se dressent tels des toreros, avec le bassin vers l‘avant) et affichent des tronches d’une totale laideur (sans nez, les yeux exorbités, la dentition hideuse…). Le pompon revient au big patron, une boule de poils puants et s’exprimant par borborygmes. Le règlement de compte est violent. Une page de pub.