L'histoire :
Aux abords des murailles de Jérusalem, en 1208, un mystérieux chevalier templier, orné d'une rose sur la poitrine, emporte en toute hâte, dans un sac, un « secret » qui vient juste d'être déterré. Il se sait traqué par d'autres croisés et file vers le port d'Akko, d'où il rejoindra Marseille. Le Pape apprend cette information cruciale au moment où il fulmine déjà contre Raymond VI, le comte de Toulouse : ce dernier, protecteur des cathares, vient encore d'assassiner un légat du Vatican. L'ordre cathare menace en effet la toute-puissance de l'Eglise catholique, en faisant de plus en plus de partisans avec leur théorie hérétique : Dieu et Diable auraient créé notre monde et au terme d'une lutte ancestrale, Satan serait aujourd'hui maître du plan terrestre. Pour rattraper le mystérieux cavalier, le pape fait appel à Aguilah de Quillan, jeune et dynamique évèque du Narbonnais, qui lui-même sort des geôles d'Albi un malfrat de la pire espèce, Lansquenet. Au même moment, au castel de Puivert en Occitanie, le jeune Escartille, troubadour libertin, a vent d'une terrible nouvelle : le Vatican a appelé toutes les régions de l'occident chrétien à se soulever et mener croisade contre les cathares, au sein de son propre royaume. La Sainte Eglise a déclaré la guerre à l'hydre hérétique. Dans ce contexte, le cavalier à la rose arrive mortellement blessé à Puivert : il avoue à Escartille être son père et lui lègue une carte menant à son « trésor » enterré dans une des nombreuses grottes du Sabarthès (Ariège)...
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Après plusieurs romans à succès (Notre Dame sous la terre, Les fables de sang...) et quelques scénarios pour le cinéma, l'écrivain Arnaud Delalande récidive aujourd'hui pour le 9e art. « Récidive », car Delalande a déjà collaboré au scénario du Codex sinaïticus (un Loge noire de chez Glénat). Il s'occupe cette fois seul de la narration, pour le premier opus d'un « thriller » médiéval co-édité par 12bis et Grasset (la maison d'édition des romans). Certes, après les Troisième testament et autres INRI, le registre est un peu éculé, mais lorsque cela est bien fait, on aurait tord de bouder son plaisir. Si le contexte est toujours un peu biblique, l'auteur s'intéresse cette fois à une autre époque, celle de la croisade intérieure menée par la maison chrétienne, à l'assaut des Cathares dans l'actuel sud-ouest français pyrénéen. En marge de ses qualités formelles, la grande force de cette mise en bouche est de parvenir à joindre l'utile à l'agréable. En effet, Delalande réussit à la fois à être didactique, historiquement plausible et romancé juste ce qu'il faut pour rendre le tout palpitant. Par exemple, le culte cathare est ici clairement explicité, tout comme la concurrence que ce schisme religieux portait au catholicisme. En outre, Delalande parvient à se raccorder au plus plausible à l'Histoire « authentique », tout en s'étayant sur les standards du récit d'aventure : le suspens est total autour du « secret » et la traque fonctionne parfaitement (avec carte au trésor à la clef, un jeune héros fringant, des batailles qui dépotent...). Il en profite aussi pour émettre des hypothèses quand au secret des cathares (la grotte où est enterré le « trésor » rapporté de Jérusalem, serait-elle par hasard située du côté de Rennes le château ?). Or, tous ces ingrédients savoureux de la grande saga ésotérico-médiévale bénéficient des encrages réalistes d'Eric Lambert, le dessinateur chevronné de Merlin et de Flor de luna. Lambert livre une partition très pro, de toute beauté, avec beaucoup de décors, de rythme, de larges scènes de batailles détaillées et mémorables (fouyouille le climax final, à l'assaut de Béziers !) qu'on prendra grand plaisir à retrouver pour un second volet.