L'histoire :
Ce matin du dimanche 31 mars 1918, une alerte au bombardement allemand imminent retentit sur Paris. Hélène Brion, institutrice militante pacifiste, incite son « filleul » de guerre, le jeune soldat Gaston Beauchamp, qui a passé la nuit sur son canapé, à se mettre à l’abri. Le colossal imprimeur René Féraud se réveille quant à lui sur le trottoir, après s’être assommé contre un lampadaire une partie de la nuit. Il remarque aussitôt le petit jeu de ces deux là, quand ils sortent de l’immeuble. Il attend alors en rogne que Gaston disparaisse, pour « s’occuper » de la petite institutrice. Au même moment, l’acteur Etienne de la Vigne s’aperçoit, dépité, en arrivant au théâtre Marigny, que la représentation de Cyrano, dans laquelle il tenait un grand rôle, est annulée ! Il n’a désormais plus un seul motif valable pour ne pas être mobilisé sur le front. Il perd son sang-froid et pénètre par effraction dans le théâtre. Le régisseur tente de lui faire entendre raison, mais Etienne est comme fou : il l’agresse et le tue d’un coup de poing, par accident ! Tout penaud, il file demander de l’aide à son frère Jean-Yves, député véreux. Celui-ci a pourtant déjà fort à faire. D’une part, sa maîtresse devient plus qu’insistante pour son divorce ; d’autre part, il est impliqué dans un horrible secret militaire qui risque d’être éventé dans la presse, comme le craint son ami Auguste-Marie Des Rozières, général en retraite…
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Le pitch en 4e de couv’ donne les clés de ce polar de guerre en diptyque, aux accents politiques et d’espionnage : l’intrigue se déroule sur une seule journée, parisienne, à la fin de la grande guerre, et il y aura inévitablement un mort parmi les 8 protagonistes majeurs. Listons. Une institutrice pacifiste, un simple trouffion, un général acrimonieux, un imprimeur brutal, un journaliste curieux, un acteur pleutre, un député pourri, une maîtresse trahie : à votre avis, lequel y restera ? Dans ce second opus, à la manière d’un vaudeville sanglant et tragique en 2 actes, Laurent-Frédéric Bollée continue d’entrecroiser des problématiques solidement posées (un lourd secret militaire, une traque aux pacifistes, des lâchetés diverses…). Elles réunissent et divisent néanmoins cet aréopage, en milieu civil et en période guerrière. Le découpage est serré et l’on passe de l’un à l’autre sans transition, afin d’accentuer le sentiment que tout se déroule en parallèle et à couteaux tirés. Pas si courante, cette technique narrative fonctionne ici très bien, même si elle réclame un minimum de concentration de la part du lecteur. Elle permet aussi de distribuer les fausses pistes, l’exposition successive de chacun face à la mort, et de ménager le dénouement inattendu ! En propos de fond de cet « effet thriller », Bollée brosse surtout de nombreuses pistes de réflexions sur la nature humaine et ses composantes (sa propension à l’autodestruction), qui s’affrontent ou s’équilibrent. Au dessin, Fabien Bedouel accentue la tension en accordant beaucoup d’importance aux expressions angoissées des personnages, cadrés de près. Les masses noires de l’encrage prononcé s’accompagnent d’une colorisation décalée et volontairement terne, qui renforce encore le sentiment de malaise. Il ressort au final, de ce diptyque, un exercice de style plaisant, qui a du fond…