L'histoire :
Suite à l’accident qui a doté son cœur d’un pacemaker, Joseph revient, accompagné de sa femme et son fils, sur les pas de son enfance, au cœur d’une campagne surplombée d’astres mystérieux. Dès les premiers instants sur les lieux de sa mémoire, surgissent les souvenirs d’un ami, Hugo, dont le goût pour le danger et les phénomènes étranges rythmait les jeux de la bande qu’ils formaient, avec un troisième compère. La maison que la famille retrouve est entourée d’un terrain en friche, le salon envahi par des papillons géants, et veillée par Buck, le chien-niche. Et du fond de la nuit, au loin dans les champs de maïs et de blé, un cri perce régulièrement le silence. Depuis quelques temps, les habitants de la région s’inquiètent d’ailleurs d’une mystérieuse silhouette qui fend furtivement le paysage. L’imaginaire collectif va bon train, chez les adultes comme chez le groupe d’amis du fils de Joseph. Les légendes du passé s’invitent dans les réminiscences individuelles et collectives, et celles du présent viennent s’y accoler.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Adrien Demont, précédemment édité chez Scutella pour Tournesols et Ballades, livre ici son projet le plus développé, qui lui a d’ailleurs valu de recevoir le Prix littéraire des lycéens et apprentis de la Région Ile-de-France à Livre Paris 2016. Feu de Paille, contrairement à son titre, est un long récit, installé dans le temps, qui s’emplit des histoires que l’on se raconte adolescents, sur une botte de paille ou dans la cabane qui nous isole du reste du monde, et nous enveloppe de son obscurité. Le plaisir du frisson et la fascination pour l’étrange. Si Joseph fait œuvre de protagoniste, l’invisible Hugo et le lieu qui les unit guident également le récit. Feu de paille nous invite à la lisière de ces mondes invisibles qui frôlent notre imaginaire. La campagne d’Adrien Demont se situe sur ce seuil : bien qu’humblement quotidienne, y évoluent des individus aux silhouettes excessivement filiformes, aux visages surnaturels, ou aux corps mécaniques. Les astres surplombants ou la pénombre des champs ne sont ainsi que le décor de ce « climat propice à l’apparition d’êtres intangibles »… Entre aplats noirs, blanc et gris et traits de feutre travaillant la profondeur et le mouvement, et évoquant à l’envi les gravures fantastiques du XIXème siècle, l’auteur bordelais nous plonge dans la beauté de l’inquiétude. Nul ne sait d’où vient la menace, mais les sens sont en suspens, et l’écho de la campagne garde en son sein les phénomènes étranges, qui traversent l’espace et le temps. Ce berceau d’une nature puissante, aspirante, qui semble envahir et métamorphoser les êtres qui l’habitent. Le lieu de formes mouvantes, ondulantes, qui font glisser notre lecture de case en case. Cet endroit de l’immanence également, où les mythes se gravent dans les consciences, où les bandes d’adolescents d’hier et d’aujourd’hui se ressemblent singulièrement, où certains êtres, certaines créatures demeurent à jamais. Véritable hymne à l’étrangeté, à ceux dont l’écart magnétise, ainsi qu’à la campagne, mère des bruissements obscurs, Feu de paille nous enserre de ses longues feuilles nervurées.
