L'histoire :
Une sœur, son frère, leurs conjoints et les enfants, viennent déjeuner un dimanche midi chez leurs vieux parents. Les adultes satisfont aux embrassades classiques et convenues sur le palier, tandis que les enfants filent jouer au jeu des 7 familles dysfonctionnelles. Ils passent rapidement au salon, pour prendre l’apéro. Ils trinquent et puis… c’est le drame. Un silence de mort. Aucun sujet de discussion n’est lancé. C’est pesant. De quoi pourraient-ils bien parler ? Ils décident de ne pas céder à la panique : forcément, un sujet va finir par s’imposer naturellement. Mais non, rien ne vient. Le grand-père propose de téléphoner aux voisins, pour leur demander une idée de sujet. La grand-mère décroche. Mais la réponse ne les satisfait pas : les voisins refusent de donner leurs idées, pour pas qu’ils copient. Ils essaient d’argumenter, mais rien n’y fait. Ils raccrochent bredouilles. Pour calmer la déception ambiante, le fils ainé se met à philosopher (de comptoir) sur le sens de la vie. Sa sœur propose de mettre un sujet au vote : est-ce que tout le monde serait partant pour une discussion raciste, par exemple ? Tout le monde lève le doigt. Allez, donc, c’est parti : « Vous trouvez pas que les noirs, ils jouent du djembé ? »
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Mais quel couillon, ce Fabcaro. Même le manque d’inspiration peut se révéler une inspiration géniale. A l’instar de son roman Le discours (adapté depuis au théâtre), il met ici en scène un repas de famille gravement plombé par le manque de sujets de discussion. Quoi que les membres de cette famille lambda lancent comme sujet, c’est creux et con. Et entre les deux, des enfants jouent à un jeu des 7 familles tout aussi décalé ; et entre deux, des chœurs antiques grecs viennent raconter l’histoire en rimes ; et entre deux, un avion de ligne se casse la gueule. En vrai, ça peut paraître décousu… mais tout fait sens, si tant est qu’il y en ait un. L’humour non-sensique de Fabcaro fait une nouvelle fois mouche, de manière certes inégale, mais avec des revirements parfois tellement foutraques, qu’on explose de rire. Le titre en lui-même est sublime : la matière désuète du Formica, typique de l’aménagement des années 60, donne la parfait sentiment de la maison de vieux qui sent le moisi et où on se fait ch… Alors certes, il ne faut pas trop s’attarder sur le dessin, recopié à partir de photos, et Fabcaro l’avoue même en mise en abyme. Mais ce Formica poursuit et complète le grand œuvre de déconstruction sociale hilarante entamée avec Zaï Zaï Zaï Zaï, Moon river, Open bar, Moins qu’hier…
