L'histoire :
Denis est jeune marié et travaille dans une entreprise. Il vit dans une ville, et vient de faire faire des travaux dans sa salle de bain. Il est entouré de Sophie, sa femme, ses collègues de bureau, ses parents et son frère Fred, qui voyage en ce moment au Kazakhstan. Entre les embouteillages du soir et le dîner avec les beaux-parents, il prend une douche dans sa nouvelle salle de bain. En s’essuyant, il remarque une cicatrice placée sous son aisselle… Bizarre. Il n’en a aucun souvenir ! Sorti de cette salle de bain, Denis entame une enquête sur cette apparition étrangère, intime, qui va peu à peu marquer une frontière indélébile entre lui et les autres.
Ce qu'on en pense sur la planète BD :
Cinquième album que Gilles Rochier sort chez 6 pieds sous terre, La Cicatrice prend du recul. Le dessinateur-scénariste sort de sa banlieue pour faire une entrée dans les profondeurs de l’individu. Jouant l’implicite, il évoque avec une certaine finesse cette espèce de corps étranger que l’on a en soi, dont on ne connaît pas l’origine, et qui nous empêche parfois d’être dans le monde qui nous entoure, incapable également de nous l’expliquer. Dans La Cicatrice, l’entourage apparaît peu à peu comme une perturbation, voire une agression constante : il faut supporter les embouteillages, se presser pour le repas avec les beaux-parents, faire les courses d’une mère dont on doit écouter les plaintes, assurer sur le dossier Gaillard dont tout le monde attend beaucoup… Les paroles des uns et des autres envahissent l’espace sonore et graphique, le portable sonne sans arrêt. Denis, cet homme comme tout le monde, recherche pourtant simplement d’où vient sa cicatrice, sa blessure, et attend un soutien qui échappera toujours. Ce récit est raconté tout en pudeur : les images sont constamment décadrées, ne nous donnent jamais accès aux visages, aux regards, aux émotions. Très extérieurs au conflit intérieur qui se joue-là, c’est à travers des zooms sur les gestes des uns et des autres que nous voyons se profiler peu à peu la crise identitaire qui anime le personnage. Mais les dessins, rugueux, nous écartent dans le même temps de ce qui tend vers le sensible. Bien dommage…